Pour certains mouvements non gouvernementaux comme le Tax Justice Network, une petite révolution s’est produite le 23 novembre 2022. En effet, lors de sa 25e séance plénière, la Deuxième Commission de l’Assemblée générale des Nations Unies – chargée des questions économiques et financières – a approuvé par consensus le projet de résolution déposé par le groupe Afrique intitulé « Promotion d’une coopération fiscale internationale inclusive et efficace aux Nations Unies ». Selon ce document, la Commission « estime qu’il importe de renforcer sans tarder la coopération internationale en matière fiscale pour la rendre pleinement inclusive et plus efficace », et « décide d’entamer des discussions intergouvernementales au siège de l’Organisation des Nations Unies à New York sur les moyens de rendre la coopération internationale en matière fiscale plus inclusive et plus efficace… »
En d’autres termes, si ce texte était adopté par l’Assemblée générale des Nations Unies, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ne serait plus le principal organisme de réglementation de la fiscalité mondiale. Plusieurs délégations ont regretté que ce projet onusien fasse doublon avec les initiatives de l’OCDE, et notamment avec l’accord du 8 octobre 2021. Pour mémoire, cet accord vise à réformer le système de taxation des entreprises multinationales. Il repose sur deux piliers : la taxation unitaire d’une partie des profits d’une centaine d’entreprises multinationales (pilier 1) et l’instauration d’un taux minimum d’imposition des multinationales (pilier 2). Mais de nombreux détails n’ont pas été réglés lors de sa signature, et des négociations sont toujours en cours sur certains aspects.
Très tôt, les organisations de solidarité internationale ont déploré que cet accord conclu sous l’égide de l’OCDE ne prenne pas en compte les intérêts des pays du Sud. Dans une étude d’octobre 2022, le South Centre, situé à Genève, a souligné que « les pays en développement [tiraient] peu ou pas de bénéfices du deuxième pilier ». Il précise notamment que les moyens mis à disposition des administrations fiscales de ces pays sont insuffisants pour que celles-ci puissent convenablement remplir leur mission, et que peu de sièges d’entreprises multinationales sont domiciliés dans les pays en développement. De plus, l’accord permet aux pays sources d’imposer en premier les bénéfices. De son côté, la déclaration finale du 6e dialogue de haut niveau sur la politique fiscale de l’African Tax Administration Forum (ATAF), qui s’est déroulé les 3 et 4 août 2022, souligne « la faiblesse du taux minimum de l’impôt sur les sociétés (15 %), recommandé dans le cadre du débat mondial sur l’amélioration du recouvrement des impôts mené par l’OCDE… » Elle ajoute qu’il « est souhaitable que les pays africains recherchent un taux d’imposition minimum plus élevé, d’au moins 25 % ».
Il aura finalement fallu attendre près de deux décennies avant que les demandes des pays en développement de créer un organe fiscal intergouvernemental dans l’enceinte des Nations Unies soient soutenues par les pays économiquement riches.