L’appropriation sans retenue, voire illégale, des informations personnelles sur Internet à des fins commerciales constitue une grave menace pour les libertés individuelles et le respect de la vie privée. Le 2 février 2021, des commissaires à la protection de la vie privée du Canada avaient rendu public un rapport selon lequel la société de technologie new-yorkaise Clearview AI avait enfreint les lois canadiennes sur la protection de la vie privée en collectant des photos de Canadiens à leur insu ou sans leur consentement (IE n° 339).
Dans un article du 16 février 2022, le Washington Post a révélé que la start up poursuivait sa collecte effrénée et avait l’ambition de réunir dans sa base de données 100 milliards de photos faciales d’ici un an malgré l’opposition de certains États et des principaux réseaux sociaux sur lesquels elle effectue son « marché ». Cette information provient d’une présentation financière destinée à des investisseurs en décembre dernier, en vue de recueillir 50 millions de dollars pour accélérer son développement. Dans sa présentation, Clearview précise que cette base permettra de garantir que « presque tout le monde à travers le monde soit identifiable ».
La société certifie qu’elle n’a pas l’intention de vendre son service de recherche faciale à des entreprises commerciales et précise que ses technologies de surveillance sont exclusivement conçues pour faire appliquer la loi et garantir le bien public. Ces affirmations semblent démenties par la présentation elle-même. Celle-ci montre que la société a basé son « plan d’expansion de produits » sur l’augmentation des ventes aux entreprises, aux services financiers, à l’immobilier commercial, au commerce électronique, etc. Une diapositive montre d’ailleurs que les contrats conclus avec les gouvernements et la défense ne représenteraient, dans l’avenir, qu’une petite fraction des revenus potentiels.
De plus, l’entreprise souhaite élargir son offre. Elle étudie un certain nombre de nouvelles technologies qui pourraient identifier quelqu’un en fonction de sa démarche, détecter son emplacement à partir d’une photo ou scanner ses empreintes digitales à distance. L’entreprise fait face à de nombreuses actions juridiques aux États-Unis mais aussi en Suède, au Canada, au Royaume-Uni, en France, en Grèce, en Italie… Aussi, la société estime-t-elle que les fonds supplémentaires réunis pourraient lui permettre de déployer les moyens pour faire pression sur les décideurs politiques afin « d’élaborer une réglementation favorable ».