Le leader mondial des centres de contacts, Teleperformance, a fait son entrée dans le CAC 40 le 19 juin 2020. Cette « promotion » lui a octroyé une plus grande visibilité au niveau boursier, mais aussi sur le plan de la RSE et de l’ISR. De ce point de vue, l’accueil est loin d’être enthousiaste. Le Forum pour l’Investissement Responsable (FIR), par exemple, a classé la société en trente-quatrième position à la suite de sa dernière campagne de questions écrites organisée lors des assemblées générales des entreprises du CAC 40. Lorsque l’on parcourt le document d’enregistrement universel du groupe, on ne peut que remarquer l’importance qu’il donne à l’obtention de certifications « de type » Great Place to Work ou Best Places to Work pour ses différentes filiales. Cet intérêt est d’autant plus marqué que la moitié des critères extrafinanciers (10 % de l’ensemble des critères) pris en compte pour le calcul de la rémunération variable de Daniel Julien, P.-D.G. du groupe, s’appuie sur le pourcentage de salariés « couverts » au niveau mondial par ces certifications censées mesurer la satisfaction des employés. En 2021, le conseil d’administration a accordé à son président la totalité des points possibles sur cette question.
Ce genre de certifications est très controversé, y compris parmi les agences d’évaluation extrafinancières. Ainsi, le cabinet britannique PIRC fustige-t-il, dans une enquête publiée le 14 mars 2022, le recours par les sociétés à ce type de critères pour caractériser leur performance sociale, pratique qu’il qualifie de « social washing ». Ces indicateurs reposent souvent sur des informations de faible valeur qui n’ont pas assez de transparence et ne sont pas vérifiables. De plus, les salariés peuvent avoir le sentiment que ces enquêtes manquent de confidentialité. PIRC appuie sa démonstration en prenant, notamment, l’exemple de Teleperformance. Il souligne que l’entreprise « utilise un service d’accréditation commercial comme indicateur de performance pour la fixation des bonus des dirigeants, malgré des scores médiocres sur d’autres indicateurs sociaux tels que la rotation du personnel et les inégalités salariales ».
En parallèle, le 25 mars 2022, la fédération syndicale internationale UNI Global Union a publié une nouvelle étude intitulée « Not a Great Place to Work ». Dans ce document, le syndicat montre qu’une partie du temps de travail des quelque quatre cent vingt mille salariés du groupe n’est pas rémunérée. Il estime le montant économisé par l’entreprise à dix millions d’euros par an, soit 2 % du résultat net réalisé par le groupe en 2021. Les personnes interrogées dans le cadre de l’enquête affirment, par exemple, que se connecter aux multiples programmes qui permettent de répondre aux besoins des clients prend dix à vingt minutes par jour. Ce temps de connexion n’est pas rémunéré. D’autres moments ne sont pas payés non plus : les temps d’appel lorsqu’ils se prolongent au-delà de la période de travail, les temps de « pause » travaillés pour respecter les quotas, les primes… Le rapport relève également des problèmes d’ergonomie et de surveillance liés au travail à domicile, des temps de travail interminables et sans pause, des représailles contre les salariés qui tentent de s’organiser en syndicat comme en Pologne, en Albanie ou en Colombie…
UNI demande donc aux investisseurs socialement responsables (ISR) d’accroître leur engagement auprès de l’entreprise pour répondre à ces préoccupations qui persistent. Compte tenu de l’attention grandissante de la communauté ISR à l’égard de Teleperformance, il est possible que cet appel reçoive un écho favorable à l’occasion de la prochaine assemblée générale des actionnaires de la société qui se tiendra le 14 avril 2022.