Il est désormais très largement reconnu que la responsabilité sociétale des compagnies s’étend à leur chaîne d’approvisionnement. Il est aussi de plus en plus admis que si les initiatives volontaires permettent de relever le niveau d’exigence, elles sont loin d’être satisfaisantes. C’est pourquoi les associations et les organisations syndicales militent en faveur d’un cadre législatif contraignant. La Commission européenne s’est saisie du sujet en lançant, fin 2020, une consultation en vue de rédiger une directive sur la gouvernance d’entreprise responsable (et le devoir de vigilance). La publication du projet de directive, initialement prévue pour fin juin, a été repoussée une première fois au 27 octobre 2021, puis au 8 décembre. Néanmoins, elle ne figure désormais plus à l’ordre du jour de la Commission et ne s’y retrouvera probablement pas avant mars 2022.
Le 2 décembre 2021, Tom de Bruijn, ministre néerlandais du Commerce extérieur et de la Coopération pour le développement, a exprimé en ces termes sa déception devant le parlement du pays lors d’un débat sur la « conduite commerciale responsable » : « Ma nette préférence est que nous légiférions au niveau européen. Je suis donc très déçu que la Commission européenne ait à nouveau reporté sa proposition sans donner de date précise à laquelle nous pouvons attendre une proposition. Le gouvernement a toujours soutenu que si la législation européenne ne démarrait pas, nous devions avancer sur une législation nationale. Je n’ai pas encore perdu l’espoir qu’une proposition européenne voie le jour, mais nous en sommes arrivés à travailler sur la législation nationale. » Pour justifier sa position, il a invoqué trois raisons importantes : augmenter la pression sur la Commission européenne, ne pas perdre de temps et pouvoir appliquer la loi nationale sur le travail des enfants (obligation de protection).
Bien que les associations de défense des droits humains aient été très déçues par le nouveau retard pris dans la publication de la proposition européenne, elles la considèrent également comme une très bonne nouvelle. En effet, le ministre néerlandais a ajouté que la loi serait élaborée sur des bases plutôt progressistes : application à partir de deux cent cinquante salariés (voire cinquante pour les secteurs à risque), prise en compte de la totalité de la chaîne d’approvisionnement, forte responsabilité administrative, mise en œuvre de la responsabilité civile… De fait, les ONG espèrent que la loi néerlandaise, si elle est publiée, produira une forte pression sur la Commission pour qu’elle présente une proposition ambitieuse.