Une vingtaine d’organisations ont lancé le 4 octobre 2021 une initiative citoyenne européenne visant à interdire la publicité et les parrainages en faveur des combustibles fossiles sur le territoire de l’Union (IE n° 352). En effet, une question se pose : pourquoi promouvoir des produits et des services dont on souhaite, par ailleurs, voir la consommation sérieusement diminuer ? Elle se pose avec d’autant plus de pertinence que certaines publicités peuvent tout simplement être considérées comme trompeuses. Les autorités commencent à réagir à ce sujet un peu partout dans le monde. Le pétrolier italien ENI, par exemple, a été condamné à une amende pour une publicité affirmant que son diesel à base d’huile de palme était « vert ». Aux Pays-Bas, l’organisme de régularisation de la publicité a demandé à Shell de mettre un terme à une campagne de promotion qui promettait aux consommateurs qu’ils pouvaient compenser les émissions de carbone de leurs achats de carburant en payant un léger supplément. En avril 2021, la ville de New York a porté plainte contre Exxon, Shell, BP et l’American Petroleum Institute pour publicité mensongère et pratiques commerciales trompeuses.
Certaines agences et personnalités de la publicité, de la communication et des relations publiques se mobilisent aussi. Ainsi, Comms Declare 4 the Climate, un collectif australien créé en 2020 et constitué d’environ quatre-vingts agences et de trois cents personnalités, a déclaré que ses membres ne travailleraient pas pour des clients du secteur des « énergies sales ». Aux États-Unis, Clean Creatives, un collectif qui a également vu le jour en 2020 et composé de cent quarante-six agences et six cents membres individuels, a établi une liste des clients les plus polluants que les agences devraient éviter. Ce groupe estime que ces entreprises sont les plus gros pollueurs. De plus, il considère qu’elles utilisent des tactiques pour tromper le public quant à leurs intentions de décarboner et dépensent des montants considérables pour contrer les actions visant à freiner les conséquences du changement climatique.
Les deux organisations ont publié un rapport conjoint, intitulé The F-List, qui montre que les plus grandes sociétés de communication servent des clients de combustibles fossiles qui annulent leurs propres engagements de réduction de carbone. WPP, par exemple, le plus important réseau mondial d’agences de publicité et de communication, s’est engagé à atteindre la neutralité carbone d’ici 2030, y compris en intégrant sa chaîne d’approvisionnement. Mais le rapport souligne que l’engagement ne s’applique pas à ses clients. Ainsi, l’augmentation des émissions dues à une progression des ventes de BP de seulement 0,3 %, résultant des actions de promotion de WPP, suffit à annuler intégralement l’engagement climatique de l’agence.
Pour faire pression sur les agences afin qu’elles évitent les clients impliqués dans les combustibles fossiles, Comms Declare cible leur atout le plus précieux : les jeunes talents. Le collectif mène actuellement une enquête auprès des membres du personnel des agences de communication de moins de trente ans pour qu’ils partagent leurs points de vue sur le changement climatique et les missions qu’ils réalisent pour cette catégorie de client. Les résultats alimenteront une campagne d’opinion. Elle constituera un levier de pression sur les agences, de manière à ce qu’elles comprennent que si elles continuent d’aider l’industrie des combustibles fossiles dans des démarches de greenwashing, elles commenceront à perdre leurs jeunes recrues qui se déclarent de moins en moins disposées à travailler pour les sociétés pétrolières et gazières, en raison de leur impact climatique.