Lorsque dans certaines zones géographiques, les règlementations se durcissent et limitent la consommation et la production de produits, les efforts des entreprises se déplacent vers les pays où les réglementations sont moins sévères, en particulier dans les pays émergents. Ce n’est pas nouveau. C’était le cas pour le tabac à partir de la fin des années 80. C’est vrai pour les médicaments, comme l’a montré une campagne de l’association française Agir ici dès le début des années 90. Et c’est encore le cas pour les pesticides, ainsi que le montre un nouveau dossier élaboré par l’association suisse Public Eye et la cellule « investigation » de Greenpeace UK. Les ONG ont calculé qu’en 2018, plus de 81 000 tonnes de pesticides dont l’utilisation est interdite sur le territoire de l’Union européenne (41 produits) y ont été produits et exportés vers 85 pays. Et la tendance s’est poursuivie en 2019. Ces exportations sont légales, mais sont-elles morales ?
Les organisations dénoncent l’hypocrisie et le cynisme des autorités européennes. Elles remarquent notamment que les destinations privilégiées de ces substances (Etats-Unis, Brésil, Ukraine) sont également les principaux exportateurs de produits agricoles vers l’Union et concluent que « ces substances indésirables se retrouvent ensuite bien souvent dans l’assiette des consommateurs européens sous la forme de résidus ». Parmi les entreprises citées, on relève Syngenta, Corteva, Bayer, Finchimica, Alzchem et Arkema. Rappelons toutefois qu’à partir du 1er janvier 2022, en France, les produits phytopharmaceutiques contenant des substances actives non approuvées pour des raisons liées à la protection de la santé humaine ou animale ou à celle de l’environnement ne pourront plus être exportés. Cette modification du code rural et de la pêche maritime – qui était attaquée par l’Union des industries de la protection des plantes – a été validée par le Conseil constitutionnel dans une décision du 31 janvier 2020 (IE n° 316).