Dans un communiqué relatif à l’épidémie de Covid-19 daté du 23 mars, le groupe Teleperformance indiquait sa forte mobilisation « auprès de [ses] collaborateurs pour leur assurer protection au quotidien » et il énumérait quelques-unes des mesures prises dès le mois de janvier pour « atténuer les risques pour ses collaborateurs, [mesures] aujourd’hui déployées au niveau mondial ». Pourtant, la réalité ne semble pas correspondre aux déclarations.
Le 17 avril, la fédération syndicale internationale UNI Global Union et les syndicats français affiliés (CFDT Fédération communication conseil culture, CGT-FAPT, CGT Fédération des sociétés d’études, FO-FEC) ont en effet déposé une plainte à l’encontre de Teleperformance auprès du Point de contact national français de l’OCDE (PCN). La plainte fait état de conditions dangereuses, en période de pandémie, dans dix pays, dont la France, les Philippines, la Colombie, le Royaume-Uni, l’Albanie, le Portugal et la Grèce. Elle dénonce des « conditions insalubres et choquantes [obligation de dormir dans des centres d’appel avec des sols surpeuplés, partage des casques d’écoute pendant la crise du coronavirus], des représailles contre les travailleurs qui se sont syndiqués pour obtenir des protections personnelles de base, ainsi que des licenciements de dirigeants syndicaux ». Cette plainte témoigne de nombreux faits relevés dans la presse ces dernières semaines (IE n° 320) et compilés dans un document adressé dernièrement par UNI à la communauté financière.
La finance responsable commence, du reste, à s’interroger sérieusement sur la sincérité des propos tenus par l’entreprise, mais aussi sur la pertinence de sa politique de distribution de dividendes, alors que les investissements indispensables en faveur de la santé et de la sécurité de ses salariés ne semblent pas avoir été réalisés. Dans son communiqué du 23 mars, Teleperformance indique ainsi qu’à « ce stade, le groupe ne remet pas en cause le versement d’un dividende de 2,40 euros par action [en augmentation de 26 % par rapport à l’année précédente, NDLR] au titre de l’année 2019 ». L’assemblée générale de l’entreprise a été repoussée du 16 avril au 26 juin. Il n’est donc pas trop tard pour qu’une partie de la communauté financière ISR réagisse et suggère au conseil d’administration de l’entreprise de revoir sa position, même si plus de 15 % du capital est détenu par trois des plus importants fonds d’investissement mondiaux (BlackRock, Fidelity, Vanguard) dont la sensibilité aux critères qui fondent une véritable gestion ISR laisse encore sceptiques bon nombre d’observateurs.