Une séparation est souvent opérée entre la politique et les affaires. Cela conduit à une certaine discrétion de la part des dirigeants d’entreprises sur les sujets d’ordre politique. Pourtant, de plus en plus, on prend conscience que la limite entre les deux sphères est bien plus perméable qu’on ne l’imagine. C’est vrai pour les décisions de politique intérieure, mais aussi pour celles qui touchent à la politique extérieure des Etats. Sur ce dernier point, certaines régions sensibles soumises à une occupation militaire ou à une administration illégitime du point de vue du droit international suscitent la polémique lorsque les activités économiques maintiennent, légitiment ou renforcent la situation dénoncée. C’est le cas de la Crimée, dont le rattachement à la fédération de Russie en 2014 est très majoritairement rejeté à l’échelle internationale.
Depuis le 27 novembre 2019, lorsque les applications cartographiques ou de météo d’Apple sont utilisées de Russie, elles désignent les localités criméennes comme situées en territoire russe. En dehors de la fédération, ces localités ne sont associées à aucun pays. Dans le cadre des discussions qui se sont déroulées durant plusieurs mois entre la firme et les autorités russes, ces dernières auraient rappelé que désigner la Crimée comme faisant partie du territoire ukrainien constituait une infraction pénale sévèrement punie. La décision d’Apple a suscité des appels au boycott de ses produits sur les réseaux sociaux ukrainiens et une lettre de quinze députés européens a été adressée à l’entreprise, lui demandant de revenir sur sa décision. Face aux protestations, l’entreprise de Cupertino a précisé, le 30 novembre, qu’elle se conformait au droit russe, mais qu’elle allait étudier plus soigneusement la désignation des territoires disputés.