Dans son édition du 28 décembre 2017, Impact Entreprises faisait part des conclusions d’un rapport de l’agence Conflict Armement Research (CAR) qui révélait la découverte en Irak, dans les stocks de matériel militaire abandonné par les milices de Daech, de sacs de sorbitol produits par le groupe coopératif français Tereos, numéro deux mondial du sucre. Le sorbitol est un additif alimentaire au pouvoir sucrant. Mélangé à du nitrate de potassium, il était transformé en carburant pour les roquettes fabriquées par l’Etat islamique. Cette affaire rappelait la nécessité absolue, pour une entreprise, d’intégrer dans le champ de sa responsabilité élargie le contrôle de sa chaîne de distribution – ainsi que l’utilisation potentiellement malveillante ou illicite de produits, matériaux ou services détournés de leur utilisation première – et d’examiner les facteurs de risque pouvant aboutir à ces détournements.
A la suite de cette révélation, la direction de Tereos avait réagi en indiquant que ces sacs avaient été détournés à son insu et qu’elle avait suspendu toute livraison de sorbitol dans les zones de conflits ou limitrophes de conflits dès qu’elle avait, à la fin de 2016, été informée de cette découverte par CAR. Mais le 20 mars dernier, le journal satirique Le Canard Enchaîné a révélé que huit betteraviers avaient porté plainte contre X auprès du parquet antiterroriste du Tribunal de grande instance de Paris pour « actes de terrorisme et de complicité d’actes de terrorisme ». Les plaignants affirment que deux autres livraisons ont été réalisées à destination de la Syrie, en février et juillet 2017. Le groupe Tereos a immédiatement fait savoir qu’il saisissait à son tour le Procureur de la République d’une plainte en dénonciation calomnieuse. Dans son communiqué, il précise que cette attaque « s’inscrit dans le cadre d’une vaste opération de déstabilisation du groupe […] pour désorganiser [son] actuelle gouvernance ». Pour mémoire, Tereos est, depuis plusieurs mois, l’objet d’une contestation de la part de plusieurs de ses membres, ce qui a provoqué une grave crise de gouvernance.