Depuis quelque temps, BlackRock, la plus grande société de gestion au monde, affiche de plus en plus souvent des positions dans lesquelles elle exprime son souhait de prendre davantage en compte les critères sociaux, environnementaux et de gouvernance (ESG) dans la gestion de ses actifs. Le 12 janvier, Larry Fink, son président, a fait un pas supplémentaire en adressant aux patrons des entreprises dont BlackRock est actionnaire une lettre dans laquelle il les exhortait à revisiter leurs approches stratégiques. Dans son introduction, il pointe du doigt l’asymétrie entre les excellentes performances enregistrées par les détenteurs de capitaux depuis la crise financière de 2008 et l’angoisse grandissante ressentie par de nombreuses personnes à travers le monde en ce qui concerne leur avenir. Il poursuit en insistant sur le fait que « la société exige que les entreprises, publiques et privées, aient un but social ». Une condition incontournable, selon lui, pour assurer une croissance à long terme. Plus loin, il précise la nouvelle stratégie du fonds en indiquant que « le temps est venu pour un nouveau modèle d’engagement actionnarial », qui renforce et approfondit la communication entre les actionnaires et les sociétés que ceux-ci détiennent. Il souligne également que cet engagement doit être compris plus comme une discussion continue sur l’année au sujet de l’amélioration de la valeur à long terme que comme une participation à la course aux procurations lors des votes en assemblée générale (proxy fights), qui constitue, à ses yeux, une perte de temps et d’argent. Aussi encourage-t-il les dirigeants des entreprises à exposer publiquement leurs stratégies à long terme, à mieux comprendre les impacts sociétaux de leurs activités et à aller au contact des autres actionnaires critiques plutôt que d’attendre l’inscription de projets de résolution non sollicités à l’ordre du jour de l’assemblée de leur entreprise. Il prévoit, à cet effet, un doublement de ses équipes dédiées d’ici à trois ans. Cette position, qui semble opposer deux philosophies au sujet de l’engagement actionnarial (proxy fights et dialogue continu), devrait au contraire inciter à une recherche de complémentarité entre les différentes stratégies d’engagement, puisque mieux comprendre grâce au dialogue suppose aussi d’évaluer les résultats de ce dialogue et de prendre éventuellement les décisions qui s’imposent lorsqu’il n’aboutit pas. Par ailleurs, la stratégie de BlackRock devrait participer à une accélération de la diffusion de la prise en compte des critères ESG par les milieux financiers et donner le la dans certains cas.