L’appel aux certifications et aux labels, une solution de facilité qui se développe, mais qui ne satisfait pas les observateurs exigeants

Les chaînes de valeur des entreprises sont de plus en plus complexes. Aussi, pour s’assurer de la conformité des acteurs qui la constituent avec les valeurs sociales et environnementales qu’ils expriment, la plupart des donneurs d’ordres font appel à des organismes de certification spécialisés. Mais les certificats ou les labels délivrés sont contestés par les observateurs (ONG, syndicats, investisseurs responsables…).

En 2013, par exemple, des chercheurs du Massachusetts Institute of Technology (MIT) et de l’université Harvard ont conduit une étude sur les effets des modes de nomination et de rémunération des auditeurs contrôlant les rejets atmosphériques et aquatiques des industries dans l’État du Gujarat (Inde). Ils ont constaté que permettre ou non aux firmes de sélectionner et de payer leurs auditeurs influençait grandement les conclusions de ces derniers. Ainsi, quand les auditeurs étaient choisis et payés par les entreprises auditées, 75 % des audits présentaient des rejets juste au-dessous de la limite légale. En revanche, lorsqu’ils étaient affectés arbitrairement et rémunérés par un pot commun, cette proportion chutait à 19 %.

De son côté, en novembre 2022, l’association Human Rights Watch a réalisé une étude dans laquelle elle met en évidence les failles des audits sociaux. Elle liste plusieurs limites : le temps consacré aux audits est très insuffisant ; de nombreux fournisseurs parviennent à masquer les conditions de travail réelles ; les rapports sont confidentiels ; les contrôleurs sont souvent choisis et rémunérés par les entreprises contrôlées.

D’autres analyses plus récentes remettent en cause la crédibilité des travaux d’audit et de vérification. De cette manière, l’association Carbon Tracker a publié le 17 avril 2025 une nouvelle étude de sa série Flying Blind. Dans ce document, elle examine le niveau de transparence des rapports d’audit sur la question de la transition écologique et des risques climatiques dans les états financiers de plus de 140 entreprises. L’ONG constate que la grande majorité de ces documents manque encore de transparence quant à la manière dont les auditeurs ont pris en compte les impacts du risque climatique et de la transition énergétique. Elle souligne notamment l’influence négative de la trop longue durée des mandats d’audit et de certaines pratiques incohérentes des cabinets.

L’association néerlandaise SOMO a quant à elle rédigé une synthèse le 8 avril sur les problèmes liés aux certifications délivrées par des tiers. Pour commencer, elle rappelle que dans le cadre de la rupture du barrage de rétention de résidus de la mine de fer de Córrego do Feijão (municipalité de Brumadinho, Brésil) qui a causé la mort de plus de 270 personnes en 2019, deux organismes de certification avaient refusé de certifier le barrage pour des raisons de sécurité. La société minière brésilienne Vale avait alors confié cette mission à un autre cabinet sur la base de critères de sécurité moins stricts.

SOMO liste les griefs qui aboutissent aux fortes réserves qu’elle émet à l’encontre des organismes de certification. Tout d’abord, ces derniers sont généralement rémunérés par les sociétés qu’ils évaluent, ce qui conduit à des conflits d’intérêts. En second lieu, pour ce qui est des audits sociaux, ils sont souvent annoncés à l’avance, menés sur la base de listes de contrôle superficielles, réalisés dans un laps de temps insuffisant et avec une faible participation des parties prenantes. Il est important de préciser qu’en annonçant leur venue préalablement à la tenue des audits, les cabinets économisent du temps, car ils permettent aux responsables de sites d’organiser au mieux le déroulement de leur mission. Mais ces derniers ont également la possibilité de donner des instructions aux salariés qui, surtout pour les plus vulnérables, préfèrent mentir aux auditeurs que de perdre leur gagne-pain, aussi maigre soit-il, en cas de perte de marché. SOMO souligne aussi que les auditeurs sont rarement confrontés à des poursuites judiciaires pour l’inexactitude de leurs rapports.

L’association dénonce un recours abusif aux certifications qui, finalement, constituent une garantie « automatique » derrière laquelle se retranchent les donneurs d’ordres pour prouver leur bonne foi. Dans un procès qui oppose Apple à des consommateurs qui l’accusent de greenwashing à propos de la soi-disant neutralité carbone de trois de ses montres, les plaignants soutiennent que la certification d’un programme par un tiers ne dispense pas le bénéficiaire de s’assurer qu’il dispose de preuves appuyant les allégations communiquées par l’organisme de certification. En d’autres termes, il est indispensable de contrôler les contrôleurs.