Certains spécialistes estiment qu’il pourrait être efficace, voire rentable, de lutter contre le changement climatique en anticipant la mise à la retraite de certaines centrales à charbon. C’est dans cet esprit que la fondation Rockefeller prévoit de mettre hors service 60 centrales à charbon dans les pays en développement d’ici 2030, grâce à une nouvelle initiative basée sur des crédits carbone : la Coal to Clean Credits Initiative (CCCI).
Le projet consiste à monétiser les émissions évitées grâce à la fermeture anticipée de centrales à charbon. La vente des crédits carbone permettra de compenser les pertes financières des propriétaires de centrales résultant de la cessation de leurs activités. La méthodologie a été validée par l’organisme de normalisation du carbone Verra. Les bénéficiaires des crédits devront prouver que les énergies renouvelables mises en service ont directement et incontestablement remplacé la capacité d’électricité à base de charbon supprimée.
Les porteurs de projets devront aussi soumettre un plan de transition juste en faveur des personnes affectées par l’abandon du charbon en précisant, par exemple, comment les salariés des centrales à charbon se verront offrir une rémunération, une formation ou de nouvelles opportunités d’emploi. Mais ces activités ne seront pas financées par les crédits carbone. Les promoteurs devront trouver d’autres bailleurs de fonds (gouvernements, organisations philanthropiques, banques privées ou publiques) disposés à leur accorder des subventions ou des prêts équivalant à au moins 2 % des revenus attendus de la vente des crédits carbone. La fondation Rockefeller travaille avec des partenaires sur un premier projet pilote qui conduira à la fermeture de la centrale de South Luzon, aux Philippines, dix ans avant la date prévue de cessation de ses activités, et à son remplacement par de l’énergie solaire et éolienne combinée à un stockage sur batterie.
Certains experts émettent cependant des doutes quant à la pertinence de cette initiative. En effet, cette méthodologie n’exige pas des porteurs de projets qu’ils remplacent toute la capacité de production d’électricité générée à partir du charbon qui aura été supprimée. Les nouvelles énergies renouvelables devront remplacer au moins 40 % de la capacité de production retirée. Elle leur donne aussi la possibilité d’utiliser de la biomasse, critiquée pour ses potentiels impacts négatifs sur le climat et l’environnement. Par ailleurs, des instituts environnementaux ont exprimé leurs inquiétudes quant au recours à des mécanismes de compensation pour financer la fermeture anticipée des centrales à charbon. Ils affirment que les incertitudes entourant le calcul des réductions d’émissions risquent de générer un nombre excessif de crédits.