Aux États-Unis, les menaces et les batailles juridiques pour freiner ou promouvoir les initiatives sociétales se durcissent

Le 20 janvier 2025, Donald Trump a signé un décret pour retirer une nouvelle fois les États-Unis de l’accord de Paris. Quoi qu’on en pense, cela n’est une bonne nouvelle ni pour le monde ni pour les États-Unis. Alors que la lutte contre le changement climatique peine à remporter des victoires décisives, cette décision va avoir un effet désastreux sur le financement de la transition énergétique des pays en développement, déjà très insuffisant. De plus, elle va libérer les initiatives des climatosceptiques qui rongeaient encore leur frein sur ce sujet et, plus largement, sur toute question ESG.

Ainsi, le 23 janvier, le procureur général du Texas, Ken Paxton, a annoncé avoir adressé une lettre aux géants de la finance étatsunienne (BlackRock, Goldman Sachs, JPMorgan Chase, Bank of America, Citigroup et Morgan Stanley) dans laquelle il les avertit que leurs politiques et pratiques d’investissement en matière de diversité et de climat pourraient donner lieu à des poursuites si, après examen, elles s’avéraient violer la réglementation de l’État ou les lois fédérales. La lettre a été cosignée par les procureurs généraux de l’Alabama, l’Idaho, l’Indiana, l’Iowa, le Montana, le Nebraska, la Caroline du Sud, l’Utah et la Virginie. Le texte fait notamment référence au soutien apporté par ces entreprises aux résolutions sur le climat ou sur la diversité dans les conseils d’administration. Il comprend également une série de questions adressées à chaque société sur leurs politiques ESG et DEI (diversité, équité, inclusion). La lettre exige des réponses dans un délai de 45 jours afin d’éviter une « longue action coercitive ».

Mais cette montée en puissance des intransigeances pourrait aussi renforcer les réactions opposées. La US Climate Alliance, une coalition de 24 gouverneurs d’États visant le zéro émission nette, a d’ailleurs révélé, dès le 20 janvier, l’envoi d’une lettre au secrétaire exécutif de l’ONU sur le changement climatique, Simon Stiell. Les signataires de ce courrier indiquent qu’ils restent engagés envers les objectifs des États-Unis vis-à-vis de l’accord de Paris, et ce, malgré le retrait décrété par le président Trump. Le texte souligne que la Constitution leur permet de poursuivre leur effort même en cas de changement dans l’administration fédérale.

De son côté, le 23 janvier, le milliardaire étatsunien Michael Bloomberg, envoyé spécial des Nations unies pour l’ambition et les solutions en faveur du climat, et ancien maire de New York, a annoncé que sa fondation Bloomberg Philanthropies et d’autres bailleurs de fonds étatsuniens pallieraient les défauts de paiement des États-Unis au fonctionnement de la CCNUCC (Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques). Le budget-programme de base de la CCNUCC pour l’exercice biennal 2024-2025 se monte à 88,4 millions d’euros, et la contribution des États-Unis représente environ 22 % de ce montant.

Le sénateur californien Scott Wiener, quant à lui, considère que les sociétés pétrolières et gazières sont responsables du changement climatique et ont trompé le public sur les dommages que leurs produits pourraient occasionner. Les catastrophes climatiques à répétition ont fait exploser les primes d’assurance, en particulier en Californie. Scott Wiener a donc présenté, le 27 janvier, un projet de loi (SB 222) qui permettrait aux victimes des événements météorologiques extrêmes d’intenter des actions juridiques auprès des sociétés pétrogazières afin de couvrir leurs pertes. Le projet autorise aussi les assureurs à agir en justice contre ces compagnies pour obtenir réparation pour les dommages supportés par leur entreprise à la suite de catastrophes liées au climat, et pour l’augmentation des coûts afférents.

Dans une autre affaire, en mai 2024, l’État du Vermont a introduit le Climate Superfund Act visant à tenir les grandes sociétés pétrolières responsables des dommages provoqués par les émissions générées par l’extraction et la combustion de leurs produits. Le 30 décembre 2024, l’American Petroleum Institute (API) et la Chambre de commerce des États-Unis ont déposé un recours contre cette loi auprès du tribunal de district du Vermont. Toutefois, l’État n’a pas encore fixé le montant des dommages qu’il a subis en raison du changement climatique. Il est donc probable que le juge rejette l’affaire pour défaut de préjudice (ce qui permettrait à l’API et à la Chambre de commerce de déposer une nouvelle requête) ou la suspende jusqu’à ce que ces coûts soient déterminés.