Le Bangladesh est l’un des principaux producteurs mondiaux de vêtements bon marché. Les rémunérations y sont très basses, même si, sur ce point, le pays commence à être concurrencé par d’autres, notamment en Afrique de l’Est. La COVID-19, puis la crise économico-énergétique ont un peu plus fragilisé le secteur. Le salaire minimum est parfois revalorisé, mais il reste très en deçà du minimum vital. Sa dernière augmentation en 2023 a été jugée très insuffisante par les salariés et les organisations syndicales. Cela a déclenché d’importantes manifestations qui ont été durement réprimées. Malgré la nomination en août 2024 du prix Nobel de la paix, Muhammad Yunus, à la tête d’un gouvernement intérimaire après la fuite du pays de la Première ministre, Sheikh Hasina, la situation demeure très tendue dans ce pays de plus de 170 millions d’habitants, l’un des plus pauvres du monde et les plus menacés par le dérèglement climatique.
C’est dans ce contexte qu’en décembre dernier, le groupe bangladais Beximco, l’un des plus grands fabricants de textiles et de vêtements à intégration verticale du pays, a annoncé la fermeture de 16 usines de vêtements employant plus de 40 000 personnes dans le parc industriel de Sarabo (ville de Gazipur). Beximco est un conglomérat qui détient aussi des filiales dans la pharmacie, l’immobilier, les communications, les services financiers, l’énergie et les médias.
La grave crise financière que l’entreprise traverse a été amplifiée par l’arrestation, en août dernier, de Salman F. Rahman, son cofondateur, vice-président et ancien conseiller de l’ex-Première ministre en fuite, pour des soupçons de blanchiment d’argent, de détournement de fonds et autres malversations fiscales. La firme n’a pas été en mesure d’ouvrir de nouvelles lignes de crédit pour importer les matières premières nécessaires pour honorer ses commandes, alors qu’une partie de ses actifs ont été mis sous séquestre par la banque centrale afin de garantir ses prêts et autres passifs. Elle n’est pas en capacité de payer les salaires du personnel de ses usines de vêtements, dont le montant est estimé à 600 millions de taka chaque mois (4,7 millions d’euros).
Le 22 janvier 2025, les ouvriers du parc industriel ont organisé une manifestation sur la route Chandra-Nabinagar, exigeant la réouverture des 16 usines. Des véhicules ont été vandalisés, des incendies ont été déclenchés, et des heurts ont éclaté avec la police. Rafiqul Islam, un sous-inspecteur de la police industrielle de Gazipur, a déposé une plainte contre 4 000 à 5 000 individus non identifiés pour avoir agressé des policiers et entravé ses fonctions. Près d’une quarantaine de personnes ont été arrêtées.
Jusqu’ici, le gouvernement intérimaire a aidé à couvrir les salaires par l’intermédiaire de la banque publique Janata Bank. Mais il ne pourra continuer indéfiniment à payer les salaires d’une société dont les propriétaires sont en fuite ou accusés de nombreuses malversations. Il n’a cependant pas encore décidé s’il pouvait relancer certains segments de l’activité textile et de fabrication de vêtements de Beximco en tant qu’entreprises indépendantes et viables. Des investisseurs étrangers auraient exprimé leur intérêt à racheter certaines divisions.