Des équipements militaires utilisés en Russie sont entretenus par une société kazakhe ayant des liens commerciaux avec Thales et Safran

À la suite de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, de nombreuses firmes ont décidé de geler leurs opérations avec et/ou au sein de la Fédération de Russie, parfois spontanément, d’autres fois sous la pression de l’opinion. Le 23 février 2024, le département d’État des États-Unis a d’ailleurs averti des risques de poursuivre des activités en Russie, y compris celui de violer le droit international et les droits humains. Toutes les entreprises n’ont cependant pas cessé leurs relations commerciales avec ce pays.

Plusieurs sites internet, comme Leave Russia, recensent les firmes qui ont déclaré s’être retirées de Russie ou, à l’inverse, qui y ont maintenu leurs opérations. À la date du 27 septembre 2024, Leave Russia avait identifié 1 349 sociétés ayant annoncé avoir quitté le pays, et 2 208 qui y continuent leurs opérations, dont 112 Françaises.

Mais il est aussi possible de contourner discrètement les sanctions imposées à la Russie en passant, par exemple, par des pays tiers. Le 26 février dernier, l’IÉSEG, une école de management située à Lille, a publié une note de recherche dans laquelle elle montre que les exportations de marchandises « hautement prioritaires » de l’Union européenne vers la Russie ont chuté de 3,231 milliards d’euros si l’on compare la période allant d’octobre 2022 à septembre 2023 à celle de l’année précédente. Mais elle souligne aussi que sur le même laps de temps, les exportations de ces produits vers des pays proches du Kremlin ont progressé de 2,979 milliards d’euros. Cela démontre, s’il en était encore besoin, qu’il est primordial de sélectionner scrupuleusement les destinataires des technologies sensibles pour éviter leur prolifération incontrôlée. Le Kirghizstan, la Turquie et le Kazakhstan ont particulièrement bénéficié de cette nouvelle configuration des flux commerciaux.

InformNapalm a été créée en 2014 après l’annexion de la Crimée par la Russie. Le 12 septembre dernier, l’organisation a publié une analyse dans laquelle elle montre qu’une société kazakhe créée en 2014, Analyst Research Consulting Group (ARC Group), collabore avec les forces armées russes pour assurer l’entretien de leurs avions de combat Su-30SM et, notamment, des équipements cruciaux pour la navigation fournis par les entreprises françaises Thales et Safran (HU 2022, SIGMA 95NAA…). L’enquête souligne également que du personnel kazakhe a été formé chez Thales en 2023 et transféré en Russie pour la maintenance des équipements.

Les contrats récents conclus par les sociétés françaises avec ARC Group stipulent, certes, une interdiction de transférer des marchandises vers la Fédération de Russie. Par ailleurs, le Kazakhstan dispose aussi de Su-30SM. Mais InformNapalm insiste sur le fait qu’ARC Group semble chercher à jouer sur tous les tableaux, et que Safran et Thales ont sans doute été trompés dans cette affaire. Mais compte tenu de la nature sensible des transactions commerciales, de la position ambiguë du Kazakhstan et du caractère secret d’ARC Group, les contrôles mis en place par les deux groupes français pour s’assurer que ces technologies ne se retrouvent pas entre de mauvaises mains paraissent, à tout le moins, légers.