Aux États-Unis, des bénéficiaires de régimes de retraite contestent la prise en compte de critères ESG dans leur gestion par leur entreprise

En France, le Forum pour l’investissement responsable (FIR), dont les membres gèrent environ 4 600 milliards d’euros d’actifs, encourage les sociétés à prendre en compte des critères ESG dans leur épargne salariale et à privilégier les fonds de placement bénéficiant d’un « label responsable ». Pour l’heure, la réponse des entreprises aux questions écrites posées par le FIR à l’occasion de leurs assemblées générales est souvent centrée sur les dispositifs qu’elles ont mis en place en France. Aux États-Unis, les postures sont beaucoup moins consensuelles, et depuis deux ans, les tribunaux sont régulièrement saisis par les anti-ESG.

Un pilote d’American Airlines, Bryan Spence, a ainsi intenté une action contre sa firme devant un tribunal fédéral du Texas. Il reproche à son employeur d’avoir mal géré le 401(k) (l’épargne-retraite des employés) en investissant auprès de gestionnaires de fonds qui « poursuivent des agendas politiques de gauche » par le biais de stratégies ESG, de votes par procuration (proxies) et d’activisme actionnarial. L’initiative, reconnue comme action de groupe, pourrait réunir jusqu’à 100 000 cotisants au régime. Il s’agit de l’une des premières actions de cette nature dans le secteur privé. La plainte soutient qu’en s’engageant avec des sociétés d’investissement qui « poursuivent des objectifs ESG omniprésents », American Airlines a manqué à son devoir envers ses employés et ne protège pas leurs intérêts financiers.

Cette action en justice se réfère à la loi sur la sécurité des revenus de retraite des employés (ERISA). En 2022, l’administration Biden a publié de nouvelles règles destinées à encourager les objectifs sociaux et politiques en facilitant les investissements ESG. Ces règles invalidaient des dispositions de la période Trump, qui visaient à limiter ce type de placements pour les régimes de retraite, compte tenu de l’hostilité des entreprises de combustibles fossiles à l’égard de l’ESG. Les mesures instituées par Joe Biden ont été contestées par 26 procureurs généraux républicains. Toutefois, un juge d’un tribunal de district du Texas a confirmé cette règle. Mais finalement, les deux réglementations (Biden et Trump) imposent de défendre les seuls intérêts financiers des souscripteurs dans le cadre des investissements effectués en vue de la retraite.

L’ERISA force donc toujours les employeurs à prendre des décisions en s’appuyant exclusivement sur des facteurs financiers, sauf lorsque deux investissements offrent des rendements financiers égaux par ailleurs. De fait, Bryan Spence et ses avocats doivent démontrer que la compagnie n’a pas respecté son obligation fiduciaire en travaillant avec des sociétés de gestion qui prennent en compte des critères ESG dans leur gestion. S’ils y parviennent, cela pourrait dissuader les entreprises et les fonds d’investissement de s’engager ou de divulguer leur utilisation de critères ESG.