Fondée il y a exactement un demi-siècle, l’entreprise taïwanaise Foxconn s’est imposée comme le premier fabricant mondial de produits électroniques grand public. En 2023, son chiffre d’affaires s’est élevé à 198 milliards de dollars américains, et à la fin de l’année, le groupe employait plus de 925 000 salariés. Il assure la sous-traitance pour la plupart des grandes marques de produits électroniques mondiales. La société a été interpellée à de maintes reprises pour les médiocres conditions de travail dans ses gigantesques usines.
L’agence Reuters a publié une nouvelle étude le 25 juin 2024 dans laquelle elle révèle que Foxconn exclut systématiquement les femmes mariées des emplois dans sa principale usine indienne d’assemblage d’iPhone (Apple) située à Sriperumbudur, dans l’État du Tamil Nadu. L’enquête de Reuters, réalisée en 2023 et 2024, s’appuie sur les témoignages de plusieurs salariés de Foxconn, de quatre responsables (anciens et actuels) des ressources humaines de l’entreprise, d’employés de plus d’une douzaine d’agences de recrutement… Les règles de recrutement sont transmises verbalement aux agences.
Les raisons qui semblent pousser l’usine à adopter une telle position sont qu’elle estime que les femmes mariées ont plus de responsabilités familiales que leurs homologues célibataires et exposent l’entreprise à plus de risques (grossesses, taux d’absentéisme élevé). Plusieurs personnes interrogées ont également attribué les pratiques d’embauche de Foxconn au fait que les femmes hindoues mariées portent des bagues en métal (metti en tamoul) aux orteils et des colliers (thaali) pour symboliser le lien du mariage. Selon plusieurs responsables, ces ornements pourraient interférer avec le processus de fabrication et causer une décharge électrostatique en entrant en contact avec les composants du téléphone.
Foxconn et Apple, son principal client, réfutent ces accusations et assurent qu’aucun salarié ou candidat à l’embauche n’est discriminé en fonction de son âge, de son sexe, de sa situation matrimoniale ou d’autres critères. Foxconn ajoute que pendant sa dernière campagne d’embauche, près de 25 % des femmes recrutées étaient mariées. Il est vrai que les témoignages confirment que la multinationale assouplit sa position pendant les périodes de forte production, lorsqu’elle est confrontée à des pénuries de main-d’œuvre.
La loi indienne n’interdit pas aux entreprises de discriminer à l’embauche sur la base de la situation matrimoniale. Mais ces pratiques freinent les efforts du gouvernement Modi pour stimuler la participation des femmes au marché du travail. Selon la Banque mondiale, ces dernières ne représentaient que 23 % de la population active du pays en 2021. Malgré l’essor économique du pays, nombreuses sont celles qui restent cantonnées aux tâches ménagères et à la garde des enfants.
Le ministère fédéral du Travail et de l’Emploi a indiqué le 26 juin qu’il avait pris note des informations diffusées par les médias et avait demandé un rapport détaillé à l’État du Tamil Nadu. Il a souligné que la loi sur l’égalité des rémunérations de 1976 « dispose clairement qu’aucune discrimination ne doit être faite lors du recrutement de travailleurs et de travailleuses ». Cette affaire est aussi un enjeu pour Apple, qui mise sur l’Inde pour déplacer hors de Chine sa production menacée par l’évolution de la situation géopolitique.