Pour enrayer le développement d’unités de liquéfaction de gaz dans le golfe du Mexique, les associations locales font le siège des acheteurs et des bailleurs de fonds européens

Une vingtaine de nouveaux terminaux de GNL (gaz naturel liquéfié) sont aujourd’hui en projet au Texas et en Louisiane le long du golfe du Mexique. L’agression de l’Ukraine par la Russie a propulsé les États-Unis au premier rang mondial des exportateurs de GNL. Mais selon les estimations du Sierra Club, ces installations seraient à l’origine d’autant de gaz à effet de serre que 532 centrales à charbon. Ces calculs englobent tous les scopes : les rejets émis lors de la fracturation hydraulique, les fuites furtives de méthane dans le transport (considérables et longtemps sous-estimées), la liquéfaction et la regazéification du gaz, son utilisation… Ces rejets représenteraient environ 21 fois ce que prétendent les entreprises.

C’est pourquoi l’association Oxfam America a lancé, le 19 avril 2024, une campagne appelant l’administration Biden à suspendre les nouveaux projets de GNL en s’assurant que cette « pause » tienne compte des voix des communautés les plus touchées par le développement de ces installations.

Le 10 avril dernier, le média californien en ligne Capital & Main a publié une bonne analyse de la situation. Celle-ci fait ressortir les conséquences des rejets atmosphériques de ces nouvelles installations sur la santé des populations locales, les atteintes aux terres ancestrales des peuples autochtones qui n’ont pas été consultés (telles que les nations Carrizo/Comecrudo ou Esto’k Gna), les dégâts qu’elles causeraient aux dernières zones humides vierges de la côte texane… Le papier évoque aussi les initiatives menées par les associations locales, comme le South Texas Environmental Justice Network, et nationales contre ces projets. Il décrit les artifices déployés par les promoteurs pour contourner les contraintes réglementaires et juridiques ainsi que les autres obstacles, et pour permettre à leurs projets d’avancer.

Devant la ténacité des porteurs de projets, les associations ont diversifié leurs modes d’action et décidé d’intervenir auprès des Européens, qui font partie des destinataires de ce gaz. Elles sont par exemple entrées en contact avec les banques françaises BNP Paribas et Société Générale pour qu’elles abandonnent leur rôle de conseillers financiers sur ces projets. En 2020, la France a aussi bloqué un accord permettant à Rio Grande LNG de fournir du gaz à Engie. Mais l’agression russe a changé la donne, et en 2022, Engie a renoué les liens avec NextDecade, le promoteur de Rio Grande LNG.

Cependant, les organisations militantes ne désarment pas. Elles soulignent que lorsque Rio Grande LNG commencera à exporter du gaz en 2028, l’offre de gaz dans le monde sera excédentaire. Dans plusieurs pays, les ONG continuent de protester contre les bailleurs de fonds du gaz naturel liquéfié. Elles ont ainsi bloqué l’entrée du siège de Banco Santander à Madrid, qui soutient Rio Grande LNG avec un prêt de 1 milliard de dollars. Aux États-Unis, elles font pression sur les fonds de pension des États de Washington et de l’Oregon pour qu’ils retirent 750 millions de dollars de Global Infrastructure Partners, une société de capital-investissement qui a investi dans Rio Grande LNG. Elles prévoient également un déplacement au Japon.