Les conflits fonciers sont une constante de l’histoire de l’humanité. Ceux qui impliquent des communautés autochtones sont révélateurs des tensions qui existent autour des questions du respect des cultures et de l’environnement. Depuis 2016, les tribus sioux du Dakota du Sud aux États-Unis (en particulier celle de Standing Rock) se dressent contre la construction du Dakota Access Pipeline (DAPL). Cet oléoduc de 1 825 kilomètres permettrait de connecter des champs pétrolifères situés dans le nord-ouest du Dakota du Nord et des réservoirs de stockage dans l’Illinois. Le litige a largement défrayé la chronique sur le plan international, et il est toujours en cours.
Au Canada aussi, les promoteurs d’infrastructures pétrogazières sont aux prises avec les Premières Nations. En Colombie-Britannique, les Wet’suwet’en s’opposent depuis 12 ans au passage sur leurs terres du gazoduc Coastal GasLink (CGL).
L’affaire est complexe, car elle croise droits héréditaires, traités historiques entre les Nations amérindiennes et le gouvernement fédéral, accords entre les conseils des Premières Nations et la province et/ou la société en charge du projet (TC Energy), etc. Quoi qu’il en soit, les Wet’suwet’en n’ont jamais renoncé aux droits et aux titres sur leurs terres. Ils affirment que les chefs héréditaires n’ont pas donné leur consentement libre, préalable et éclairé au passage du gazoduc sur leur territoire (Yintah) comme l’exigent leurs coutumes et le prévoit la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.
Les relations se sont envenimées, et plusieurs défenseurs des terres autochtones ont été interpellés. Trois d’entre eux ont été jugés au début de l’année 2024 pour avoir bloqué l’accès à la construction du gazoduc. Mais après le verdict, une nouvelle audience a été engagée pour abus de procédure et violations des droits des trois militants lors de leurs arrestation et détention : recours disproportionné à la force, comportements agressifs de la part des forces de l’ordre, propos offensants, recours à des chiens, emploi de tronçonneuses pour découper les portes, menaces à l’aide d’armes à feu… Amnesty International s’est emparée de ce cas et a publié un rapport. Les rapporteurs spéciaux du Conseil des droits de l’Homme de l’ONU, quant à eux, ont recommandé de suspendre la construction du CGL. D’autres pipelines sont prévus dans la région et pourraient rencontrer les mêmes difficultés.
De l’autre côté de l’océan Pacifique, en Australie, la compagnie pétrolière Santos a obtenu, le 15 janvier 2024, l’autorisation de reprendre la pose d’un gazoduc sous-marin (projet Barossa) de 262 kilomètres dans la mer de Timor, au nord de Darwin. Cette opération avait été contestée devant un tribunal fédéral par un groupe d’anciens des îles Tiwi. Ces derniers voulaient que Santos révise son plan de gestion de l’environnement en y intégrant les risques pour les sites sacrés sous-marins et les êtres spirituels culturellement importants, tels que l’Homme Crocodile et la Mère Ampiji. En conséquence, les travaux étaient suspendus depuis novembre.
S’appuyant sur plusieurs témoignages, la juge a conclu que le contenu des chants et des rêves faisait apparaître de grandes divergences entre les récits. À la suite de ces observations, elle a estimé que les preuves selon lesquelles les chants se rapportaient à la zone maritime traversée par le gazoduc étaient insuffisantes. Elle a ajouté qu’il était peu probable que l’ouvrage puisse endommager des sites potentiels du patrimoine culturel situés au fond de la mer. De fait, Santos va pouvoir reprendre la construction de son gazoduc.