Le lithium est devenu une ressource critique et stratégique pour répondre aux enjeux de la transition énergétique mondiale. L’Afrique est l’une des nouvelles frontières dans la course à ce métal. L’association Global Witness a enquêté sur trois mines de lithium au Zimbabwe (Sandawana), en Namibie (Xinfeng Investments à Uis) et en République démocratique du Congo (projet Manono considéré comme le plus grand gisement de lithium d’Afrique).
Dans son rapport publié le 14 novembre 2023, l’ONG conclut que cette ruée est loin de garantir une « transition énergétique juste ». Elle risque, comme cela a été le cas dans le passé pour d’autres minéraux, d’alimenter la corruption et de nombreux problèmes environnementaux et sociaux.
Au Zimbabwe, l’association a découvert que des milliers de mineurs artisanaux travaillaient dans des conditions dangereuses. Des témoignages font état de travail d’enfants et de mineurs ensevelis suite à des effondrements de tunnels. Début 2023, les petits mineurs ont été expulsés, leurs minerais confisqués et la mine reprise par des entreprises ayant des liens étroits avec le parti au pouvoir ZANU-PF et l’armée zimbabwéenne. De plus, cette mine semble avoir été exemptée de l’interdiction officielle d’exporter du lithium non transformé.
En Namibie, la société chinoise Xinfeng Investments a été accusée d’avoir acquis sa mine de lithium grâce à des pots-de-vin. L’entreprise aurait développé sa mine à une échelle industrielle en faisant l’acquisition de permis destinés aux petits mineurs locaux. Cela semble aussi avoir permis à Xinfeng de commencer à exploiter un important gisement de lithium pour seulement 140 dollars, tout en évitant une évaluation d’impact environnemental. L’entreprise est également accusée d’héberger les mineurs dans les « conditions de l’apartheid », d’acheter les chefs locaux et de faire fuir la faune sauvage.
En RDC, le projet semble avoir généré jusqu’à 28 millions de dollars en faveur de sociétés-écrans détenues par des personnalités compromises dans des scandales de corruption impliquant l’ex-président Joseph Kabila. Par ailleurs, un haut responsable du parti de l’actuel président Félix Tshisekedi aurait reçu 1,6 million de dollars de « commission » d’un investisseur lors de l’acquisition de parts du projet. La société minière publique qui a signé les accords a été accusée par l’agence anticorruption de la RDC d’avoir vendu les droits sur le lithium à un prix cassé.
L’Afrique est riche en lithium de roche dure. Le processus d’extraction est gourmand en eau et peut provoquer des pollutions terrestres et aquatiques à cause des produits chimiques utilisés pour extraire le métal. Les populations riveraines sont les premières victimes de ces préjudices ainsi que des conséquences négatives de la transition énergétique mondiale, et ce, sans avoir contribué aux rejets de gaz à effet de serre à l’origine du dérèglement climatique.