Le 1er avril 2019, la Haute Cour de Pretoria avait donné raison à l’association Uzani Environmental Advocacy dans le procès qui l’opposait à la compagnie pétrolière BP. Le juge Brian Spilg avait reconnu que la société avait construit des stations-service sans avoir obtenu au préalable l’autorisation environnementale nécessaire. Au cours du procès, BP avait fait valoir qu’Uzani n’était pas habilitée à le poursuivre et que son dirigeant voulait s’enrichir. L’entreprise avait également soutenu qu’elle avait déjà payé des amendes civiles dans le cadre d’un « processus de rectification » couramment utilisé lorsque les règles environnementales sont enfreintes. Mais le juge avait fait observer que la loi sud-africaine sur la gestion de l’environnement (NEMA) avait été rédigée pour autoriser à la fois des amendes civiles et des poursuites pénales.
Le montant de la condamnation n’a toujours pas été déterminé. Pour le calculer, le juge Spilg a réclamé début octobre 2022 que BP lui communique le détail des dépenses engagées pour des publicités dans lesquelles le groupe affirme qu’il est soucieux de l’environnement, responsable ou conforme, et ce depuis 1999. Il veut aussi obtenir les rapports évaluant l’impact de ces campagnes publicitaires de la part des agences qui les ont menées. Ces informations pourront ensuite être utilisées pour calculer l’amende, avec la possibilité que celle-ci soit supérieure à la valeur estimée des stations-service incriminées.
Les entreprises sont parfois accusées de greenwashing et de faire des déclarations environnementales trompeuses. Lorsque les allégations sont ambiguës, elles peuvent être difficiles à prouver, et les entreprises, impossibles à poursuivre. Mais la législation environnementale sud-africaine permet une telle démarche dans certaines circonstances, en particulier quand les personnes physiques ou morales accusées de crime environnemental ont préalablement été condamnées à payer une amende. Dans son ordonnance, le juge a déclaré qu’il est probable que BP ait « maintenu dans ce pays [l’Afrique du Sud, ndlr] la perception [qu’il] est un citoyen soucieux de l’environnement, responsable et conforme, encourageant ainsi le public à acheter des produits dans ses points de vente » tout en s’engageant dans une démarche criminelle.
Cette affaire, introduite en 2017, est considérée comme le tout premier recours privé pour crime environnemental à avoir abouti en Afrique du Sud aux fins de pallier les défaillances de l’État.