Bataille au sommet du groupe énergétique australien AGL : pour ou contre une sortie rapide des combustibles fossiles. Prochain rendez-vous le 15 novembre

La tentation est grande pour les entreprises de verdir leurs activités en cédant les plus polluantes d’entre elles à des repreneurs peu regardants et peu observés par l’opinion publique. Dans les années 2010, des associations ont mené une campagne contre le groupe Engie afin qu’il ne vende pas sa centrale à charbon d’Hazelwood, située dans l’État de Victoria (Australie), mais pour qu’il la ferme définitivement. En 2005, la centrale, qui produisait 5,4 % de l’électricité du pays, avait été classée par le WWF comme la plus polluante des pays de l’OCDE. Le 3 novembre 2016, Engie avait adhéré à cette option et annoncé la fermeture définitive de sa centrale ainsi que de la mine attenante pour la fin du mois de mars 2017.

Le 29 septembre 2022, le groupe AGL Energy, le plus grand électricien d’Australie, a déclaré qu’il fermerait sa centrale à charbon de Loy Yang A (Traralgon, État de Victoria) plus tôt que prévu. Il s’agit de la centrale électrique la plus émissive d’Australie. À elle seule, elle est responsable de plus de 3 % des rejets de GES du pays. Cela étant, l’échéance n’est pas pour tout de suite. Sa fermeture était initialement fixée à 2048. En février, elle a été ramenée à 2045. Finalement, l’arrêt devrait être effectif au plus tard en 2035. L’entreprise a aussi précisé qu’à cette date, elle aura complètement abandonné le charbon. Ces décisions interviennent quelques mois après que le conseil d’administration d’AGL a rejeté en février l’OPA « hostile » lancée sur la société par le milliardaire australien Mike Cannon-Brookes, par l’intermédiaire de son entreprise familiale Grok Ventures et avec le soutien du gestionnaire d’actifs canadien Brookfield.

Malgré l’échec de son OPA, Mike Cannon-Brookes est devenu le premier actionnaire du groupe énergétique avec 11,28 % du capital. Des têtes sont tombées ; le directeur général Graeme Hunt, le président Peter Botten et deux autres administratrices ont démissionné. En lançant son OPA, Mike Cannon-Brookes voulait convertir AGL à la production d’énergie verte plus rapidement que ce que prévoyait le plan initial. Il souhaitait notamment accélérer la fermeture des centrales au charbon et au gaz du groupe. La sortie d’AGL du charbon en2035 est donc un premier succès. Mais il s’opposait aussi au projet suggéré par le conseil d’administration d’AGL de cantonner les actifs de combustibles fossiles du groupe dans une société distincte. La proposition du conseil de scinder AGL en deux entités séparées visait surtout à augmenter les rendements pour les actionnaires. Pour Mike Cannon-Brookes, en revanche, la scission retirait à AGL un atout majeur : celui d’être à la fois producteur et distributeur d’électricité. Pour lui, le maintien de cet ensemble intégré positionnait stratégiquement AGL pour diriger la transition énergétique de l’Australie dans le meilleur intérêt des actionnaires, des clients, des contribuables australiens et de la planète.

Le 30 mai 2022, le conseil d’administration a finalement annoncé qu’il renonçait à la scission. Mais, le 7 octobre 2022, dans la notice de convocation de son assemblée générale qui se tiendra le 15 novembre prochain, il se prononce contre trois des quatre candidatures présentées par Galipea Partnership, un partenaire de Grok Ventures. Le 19 septembre, le conseil a également nommé l’une des administratrices en place au poste de présidente. La bataille, au sommet d’AGL, entre les partisans d’un retrait rapide du groupe des combustibles fossiles et ceux d’une sortie plus lente n’est pas terminée.