Les engagements pour atteindre la neutralité carbone se multiplient à très grande vitesse. Mais les échéances sont la plupart du temps lointaines et nécessiteraient souvent plus de précisions sur les étapes intermédiaires. De plus, les entreprises ou autres organismes intègrent fréquemment des mécanismes de compensation carbone et de restauration des environnements dégradés en plantant des arbres pour remplir leurs objectifs. Cette approche est néanmoins de plus en plus contestée ; des chercheurs ont publié, le 4 juillet 2022, une étude qui justifie ces critiques.
Ils ont calculé le volume de dioxyde de carbone maximal qu’une « restauration responsable » de la nature pourrait absorber et ont ainsi déterminé que cette restauration, combinée à une fin de la déforestation d’ici 2030, pourrait diminuer le réchauffement climatique de 0,18 °C d’ici 2100. Ils ont également constaté qu’un arrêt de la déforestation d’ici 2030 ne réduirait le réchauffement que d’environ 0,08 °C au cours du siècle. Ces résultats sont loin de ce qu’il faudrait pour atténuer les impacts du changement climatique. Les chercheurs concluent donc que la priorité reste l’élimination rapide des combustibles fossiles, responsables de 86 % des émissions de CO2 au cours de la dernière décennie. L’utilisation des terres ainsi que la destruction et la dégradation des forêts contribuent, quant à elles, à 11 % des émissions mondiales.
Le terme « restauration de la nature » englobe souvent un large éventail de solutions, dont certaines, en réalité, dégradent la nature. Il en est ainsi des plantations d’arbres en monoculture qui détruisent la biodiversité, augmentent la pollution et réduisent la surface de terres disponibles pour la production alimentaire. Dans le cadre de leur étude, les chercheurs ont considéré que, pour être responsables, les activités de restauration doivent suivre des principes écologiques, respecter les droits fonciers et minimiser les changements d’usage des terres. Il convient donc de distinguer les activités qui restaurent les terres et les forêts dégradées, et les plantations de nouvelles forêts.
Sur ces bases, le potentiel de restauration responsable maximal disponible se traduirait par une élimination de 378 milliards de tonnes de CO2 de l’atmosphère entre 2020 et 2100. Ce chiffre est à comparer au volume de GES émis rien qu’en 2019 et qui s’établit à 59 milliards de tonnes d’équivalent CO2. Compte tenu des politiques actuelles, les rejets dus aux combustibles fossiles pourraient dépasser 2 000 milliards de tonnes de CO2 d’ici 2100.
Dans leurs conclusions, les scientifiques n’insinuent pas que la restauration de la nature est sans importance, car, devant l’urgence, chaque dixième de degré de réchauffement évité est primordial. De plus, la restauration des paysages dégradés est cruciale pour la santé de la planète. Mais ils veulent démontrer qu’il est dangereux de compter sur la restauration de la nature pour atteindre les objectifs climatiques mondiaux. Il est préférable de tabler sur l’élimination efficace et drastique des combustibles fossiles.