On évalue le nombre d’autochtones vivant dans le monde entre trois cent soixante-dix et cinq cents millions de personnes. De nombreuses études rappellent qu’ils jouent et/ou peuvent jouer un rôle crucial dans la « gestion du vivant », la protection de la biodiversité et la réalisation des objectifs climatiques. Mais, au cours de la décennie écoulée, moins de 1 % des financements internationaux consacrés à la lutte contre le dérèglement climatique est allé aux communautés autochtones et locales pour gérer des forêts. À peine un dixième de ce pourcentage a été réservé à la sécurisation de leurs droits de tenure des terres. Aussi, en novembre 2021, plusieurs pays ainsi que des fondations d’entreprise se sont engagés à apporter 1,7 milliard de dollars entre 2021 et 2025 pour soutenir les peuples autochtones et les autres communautés locales dans le but de sécuriser, renforcer et protéger leurs droits sur les terres et les ressources naturelles (IE n° 357).
C’est dans ce contexte qu’a été lancé, le 11 janvier 2022, le fonds CLARIFI (Community Land Rights and Conservation Finance Initiative). Il vise à accélérer le financement des communautés autochtones et locales pour les aider à sécuriser leurs droits fonciers et à préserver les zones forestières et autres écosystèmes dans le monde. CLARIFI sera piloté par l’ONG Rights and Resources Initiatives (RRI) et l’initiative Campaign for Nature. Le fonds sera le « chaînon manquant » entre les donateurs qui veulent freiner le changement climatique et conserver la biodiversité, et les communautés forestières qui ont les compétences pour le faire. Cette initiative aidera les populations locales à cartographier leurs terres, à faire reconnaître officiellement leurs droits de propriété et à élaborer des plans de gestion et de conservation dirigés par la communauté.
Pas moins de dix milliards de dollars seront nécessaires d’ici 2030 pour renforcer les territoires légalement reconnus des peuples autochtones, des populations afro-descendantes et des communautés locales, et pour couvrir au minimum la moitié des forêts tropicales mondiales. La sécurisation de leurs droits et de leur mode de vie traditionnel aidera à atteindre les objectifs mondiaux de conservation d’au moins 30 % de la planète d’ici 2030 ainsi qu’à freiner le défrichement des forêts (pour produire du bœuf, de l’huile de palme, du bois, etc.) et le changement climatique. CLARIFI fournira également un soutien technique et organisationnel pour renforcer la capacité des groupes locaux à trouver et à déployer des financements pour protéger les écosystèmes.
Ce projet est particulièrement bienvenu, car la gestion communautaire des forêts ne conduit pas systématiquement à une baisse de la déforestation. C’est ce que montre, par exemple, l’analyse d’un programme de « foresterie sociale » administré par le gouvernement indonésien pour accorder des droits fonciers aux communautés. Dans le cadre de ce programme, le gouvernement a octroyé des titres fonciers sur 4,7 millions d’hectares de forêt domaniale à un million de ménages. L’analyse a été conduite par des chercheurs du groupe de réflexion allemand Mercator Research Institute on Global Commons and Climate Change ; elle a porté sur quatre mille trois cent quarante-neuf titres fonciers couvrant 2,4 millions d’hectares. En définitive, l’étude a révélé que la perte de forêts a augmenté dans les forêts villageoises et les forêts communautaires (cédées aux coopératives pour une durée de trente-cinq ans).
L’une des raisons pour lesquelles les taux de déforestation persistent ou même croissent sur ces terres communautaires est l’absence de structures sociales partagées ou de règles formelles qui régissent l’accès à une ressource, en l’occurrence la forêt, et son utilisation. En conséquence, les personnes ont un accès libre à la ressource et sont donc susceptibles d’agir selon leurs propres intérêts. Elles répondent à la demande des produits agricoles au lieu de penser au bien commun et d’investir dans des activités durables telles que la collecte de produits forestiers non ligneux, l’écotourisme et l’exploitation forestière sélective. Pour résoudre ce problème, des institutions solides et efficaces sont ainsi nécessaires au niveau du village ou de la communauté. Cependant, les chercheurs soulignent que de nombreuses communautés manquent de moyens pour surveiller leurs zones et d’incitations financières pour développer les activités durables.