De plus en plus d’entreprises adhèrent à des mécanismes de compensation carbone pour neutraliser leurs émissions de gaz à effet de serre dites résiduelles. Parmi ces mécanismes, ceux qui reposent sur la plantation, la protection, la restauration et la gestion de forêts, de tourbières ou de mangroves sont en plein essor. Ainsi, en novembre dernier (IE n° 332), une étude indiquait que les technologies à émissions négatives (TEN) qui s’appuient sur la nature pourraient générer des revenus s’élevant à 800 milliards de dollars en 2050. Par conséquent, investisseurs et entreprises se ruent sur ce type d’actif. Le groupe pétro-gazier BP n’est pas en reste. L’entreprise a annoncé mi-décembre avoir pris une participation majoritaire dans Finite Carbon, le plus important développeur de projets forestiers de compensation carbone aux États-Unis. Le prix de la transaction n’a pas été révélé. Le but de l’intégration de cette participation dans le portefeuille de Launchpad, l’accélérateur de start-up de BP, est de stimuler le développement de Finite Carbon qui a le potentiel de créer une plate-forme mondiale pour la gestion et le financement de solutions climatiques naturelles. Actuellement, Finite Carbon gère une cinquantaine de projets forestiers aux États-Unis couvrant environ 1,2 million d’hectares, qui ont enregistré plus de 70 programmes de compensation et généré plus de 500 millions de dollars de revenus pour les propriétaires fonciers.
Mais cette pratique reste très controversée pour plusieurs raisons. Tout d’abord parce les arbres mettront des dizaines d’années avant de séquestrer le carbone qui aura été rejeté immédiatement dans l’atmosphère. La pérennité de ces forêts ou plantations sera également exposée à de nombreuses menaces parmi lesquelles le changement climatique. Par ailleurs, de nombreuses plantations à grande échelle sont des monocultures, ce qui constitue un danger pour la biodiversité. Enfin, ces techniques nécessiteront des superficies de terres considérables qui présenteront un risque de violation des droits fonciers de certaines populations et de conflit avec les cultures vivrières. Ce besoin en terres pourrait ainsi provoquer une flambée des prix des denrées alimentaires dans certaines régions du monde et mettre en danger la sécurité alimentaire de ces dernières, comme le suggère une étude publiée récemment dans la revue scientifique Nature Climate Change (IE n° 328). Pour les opposants à cette méthode, celle-ci ne doit pas être un prétexte pour freiner les efforts de réduction des émissions réelles de GES en valeur absolue. Cette option est d’ailleurs d’autant plus tentante que le prix de vente des « crédits carbone » est trop bas pour inciter à une transformation en profondeur. Dans l’analyse des performances climatiques des entreprises, il importe donc d’évaluer séparément les volumes de GES rejetés en valeur absolue et en valeur relative, les émissions liées au fonctionnement des produits et aux services, et les éventuelles « émissions négatives » dues à des mécanismes de compensation.