Total est présent au Yémen depuis les années 80, notamment à travers une participation de 39,6 % dans la société Yemen LNG, une unité de gaz naturel liquéfié pour laquelle le groupe assure la conduite des opérations. La société a interrompu ses activités de production commerciale et d’exportation de LNG en avril 2015. Mais le 7 novembre 2019, un rapport rédigé par trois organisations (l’Observatoire des armements, Les Amis de la Terre France, SumOfUs) a révélé qu’une partie du site de Total (situé à Balhaf) accueille une base militaire (depuis 2009) et une prison secrète (années 2017 et 2018) contrôlées par les forces d’élite des Emirats arabes unis. Le document rapporte des témoignages « faisant état de détentions arbitraires et de traitements inhumains et dégradants ». Dans un communiqué également daté du 7 novembre, Total reconnaît qu’il a été informé en avril 2017 de la réquisition d’une partie de son site, mais il affirme qu’il ne dispose « d’aucune information spécifique quant à l’usage fait par la coalition de la partie réquisitionnée ». De leur côté, les auteurs de l’étude émettent leurs doutes sur le fait que l’entreprise puisse avoir totalement ignoré ces activités. Ils mettent en cause la politique de l’Etat français dans le conflit yéménite afin de protéger les intérêts français dans la région, notamment gaziers, et appellent à la mise en place d’une commission parlementaire. Plus largement, cette affaire soulève la question de la pertinence d’exploiter des richesses naturelles dans des zones instables et/ou insuffisamment solides d’un point de vue économique, car elles attisent souvent les convoitises, encouragent la corruption, les conflits et les atteintes aux droits de l’Homme, amputent la rentabilité des investissements et, finalement, la capacité de développement humain de ces régions.