Si l’implantation d’activités économiques peut être une bonne chose pour une ville, elle n’est pas sans présenter des inconvénients, dont l’augmentation parfois considérable du coût de la vie. Cela affecte particulièrement ceux qui n’ont pas eu (ou ont peu eu) accès aux fruits de la croissance, que ce soit directement ou indirectement. Seattle, une ville du nord-ouest des Etats-Unis de près de 725 000 habitants (3,5 millions avec l’agglomération), est l’illustration de ce phénomène. La ville – dont la population enregistre l’une des plus rapides croissances du pays (19 % en dix ans) – a ainsi vu le prix des loyers monter en flèche (+ 57 % au cours des six dernières années). Le loyer moyen d’un appartement avec une chambre s’élèverait désormais à 2 000 dollars par mois et l’on compterait dans la ville près de 12 000 sans-abri.
Pour financer la construction de logements sociaux et la mise en place d’aides aux plus démunis, la municipalité de Seattle avait voté en mai 2018 l’instauration d’une nouvelle taxe visant les grandes entreprises. Mais plusieurs sociétés concernées par la taxe s’y étaient opposées. Parmi elles, Amazon, dont le siège social est installé dans la ville et qui est le premier employeur privé. Le géant de la distribution en ligne avait menacé d’abandonner le projet d’extension de ses bureaux. Aussi le conseil municipal avait-il abrogé la loi en juin 2018 (voir IE). De son côté, Microsoft, dont le siège est situé dans la banlieue de Seattle (Redmond) et qui ne s’était pas prononcé contre la taxe, a annoncé le 16 janvier dernier qu’il allait consacrer 500 millions de dollars au financement de logements abordables dans la région. Cette contribution se fera, pour l’essentiel, sous la forme de prêts à taux préférentiel, auxquels s’ajoutera une aide de 25 millions de dollars pour les organisations locales intervenant auprès des sans-abri. Il s’agit pour l’entreprise de soutenir les personnes laissées pour compte par le boom économique de l’agglomération. Pour Brad Smith, directeur des affaires juridiques du groupe, « tout le monde a un rôle à jouer [dans cette crise du logement] et chacun doit jouer son rôle ». Si ce montant est conséquent, il reste insuffisant pour financer les besoins, estimés à 156 000 logements abordables supplémentaires. Cela étant, l’initiative a été bien reçue – y compris par certains milieux d’affaires qui estiment qu’il n’est plus possible de vivre dans sa bulle et d’ignorer les conséquences négatives, même indirectes, des activités – et elle pourrait faire des émules.