Considérant que les engagements affichés par Shell étaient insuffisants au regard des enjeux liés au dérèglement climatique, des actionnaires avaient déposé, il y a quelques semaines, un projet de résolution en vue de l’assemblée générale de la compagnie anglo-néerlandaise, demandant à cette dernière d’être plus transparente et plus ambitieuse sur cette question (IE n° 278). Mais quelques jours plus tard, le 18 mai, soixante investisseurs gérant près de 10 500 milliards de dollars d’actifs, ont publié une lettre ouverte dans le journal britannique Financial Times, dans laquelle ils précisaient qu’ils n’appuyaient plus le projet de résolution, mais qu’ils « encourageaient fermement l’ensemble de l’industrie pétrolière à éclaircir la manière dont elle percevait son avenir dans un monde bas-carbone ». L’assemblée s’est déroulée le 22 mai et le projet de résolution n’a finalement obtenu que 5,5 % des suffrages contre 6,3 % l’année précédente.
En revanche, le rapport sur la rémunération du directeur général Ben van Beurden (qui a perçu 7,8 millions de livres au titre de l’année 2017) n’a recueilli que 74,8 % des suffrages. Un score décevant et qui constitue pour le dirigeant un sérieux avertissement dans lequel les critiques entourant sa politique générale se sont cristallisées. Plusieurs investisseurs et conseillers en investissement ont en effet jugé cette rémunération excessive au regard des performances économiques du groupe, de sa politique climatique et des conditions de sécurité. Sur ce dernier aspect, certains d’entre eux ont évoqué la tragédie survenue en juin 2017 à la suite du retournement d’un pétrolier exploité par un sous-traitant de Shell Pakistan Limited. Alors que des villageois pakistanais s’étaient approchés de la cargaison déversée, celle-ci s’est enflammée provoquant la mort de 221 personnes et en blessant sérieusement 56 autres. La société de conseil Institutional Shareholder Services (ISS) a publiquement manifesté son indignation face au fait que le rapport sur la rémunération passait sous silence cette catastrophe et que le rapport annuel était particulièrement discret sur les circonstances de l’accident et les responsabilités en découlant. Cet épisode suggère que le report de l’avis des actionnaires sur la politique de développement durable des entreprises vers la rémunération des dirigeants (ou la réélection des administrateurs) pourrait constituer une alternative aux dépôts de projets de résolution qui restent toujours très difficiles à mettre en œuvre en Europe.