A la suite d’une montée de violence entre Palestiniens et Israéliens en juin 2014, Israël a lancé le 8 juillet l’opération « Bordure protectrice » sur la bande de Gaza, une série de raids aériens suivie d’une intervention terrestre qui ont causé la mort, selon une commission d’enquête des Nations unies, de 2 251 Palestiniens, parmi lesquels 1 462 civils, dont 299 femmes et 551 enfants – dont Jihad (dix ans), Wassim (neuf ans) et Afnan (huit ans). Depuis, plusieurs témoignages, documents et rapports ont fait état de crimes de guerre durant cette période, et notamment un rapport d’enquête des Nations unies du 22 juin 2015, qui « pose la question de possibles violations du droit international humanitaire […] qui peuvent être assimilées à des crimes de guerre ». A ce jour, aucune enquête officielle n’a été diligentée par la Cour pénale internationale (CPI) à l’encontre des forces israéliennes ou des groupes armés palestiniens.
Le 29 juin 2016, avec le soutien de l’Acat (Action des chrétiens pour l’abolition de la torture), la famille des trois petites victimes a porté plainte en France contre la société française Exxelia Technologies pour complicité de crime de guerre et homicide involontaire. Les plaignants s’appuient sur l’analyse de débris trouvés dans les décombres de la maison où résidaient les enfants et le reste de la famille, maison frappée par un missile le 17 juillet 2014. Parmi ces débris figurait un capteur de position produit par la société Eurofarad (aujourd’hui Exxelia Technologies). Si la jurisprudence montre l’extrême difficulté d’établir un lien entre la responsabilité d’une entreprise et des faits susceptibles d’entrer dans le champ du droit international, les plaignants estiment « qu’a minima, l’entreprise a fait preuve d’une négligence criminelle et qu’elle s’est ainsi potentiellement rendue coupable d’homicide involontaire ». L’entreprise aurait en effet dû faire preuve des diligences requises quant à l’utilisation du produit par ses clients.
Cette affaire fait écho à la mobilisation de longue date des ONG qui protestent contre les ventes d’armes ou de technologies duales réalisées par des entreprises auprès de régimes susceptibles de retourner ces armes contre les populations civiles ou de violer le droit international. En septembre 1988, l’association Droit contre raison d’Etat avait ainsi assigné la société Dassault pour la fourniture de « Mirage » avec lesquels le régime de Saddam Hussein avait gazé les populations kurdes d’Halabja le 16 mars 1988. Si la plainte n’avait pas abouti à une condamnation de l’entreprise pour complicité de crime de guerre, la Cour de cassation avait jugé, le 30 juin 1992, que la vente de matériel militaire était « [détachable] tant de la décision d’autorisation ou d’agrément [à laquelle] elle est subordonnée que de la conduite des relations du gouvernement français avec les autorités étrangères ». Par sa décision, la Cour avait ainsi replacé la responsabilité au niveau de l’entreprise commerciale.