Total est l’une des sociétés françaises qui collectionnent le plus grand nombre d’interventions d’actionnaires sur les problématiques sociales, sociétales et environnementales, des premières questions sur la présence du groupe en Birmanie (1994) à celles relatives à l’exploitation pétrolière dans les zones protégées (2013) en passant par celles ayant suivi le naufrage de l’Erika en 1999. Mais en dépit de l’émergence de l’investissement socialement responsable (ISR), la volonté de porter l’engagement actionnarial au niveau des assemblées générales va rarement, en France, jusqu’au dépôt de projets de résolution à l’ordre du jour des assemblées par les actionnaires, à l’inverse des Etats-Unis où l’exercice est pratiqué de longue date et où les contraintes financières sont moins exigeantes. En France, la société Phitrust et les associations d’actionnaires salariés pratiquent parfois cet exercice, mais ces initiatives restent encore de l’ordre de l’escarmouche et elles se cantonnent souvent, en ce qui concerne Phitrust, aux questions de gouvernance. En 2011, Phitrust a toutefois tenté de déposer, en partenariat avec l’association Greenpeace France, un projet sur les risques environnementaux que comportait pour Total l’exploitation des sables bitumineux au Canada. La résolution n’a cependant pas pu être inscrite à l’ordre du jour, deux importants actionnaires ayant finalement retiré à la dernière minute leur soutien à la coalition, qui ne disposait plus ainsi des 0,5 % de capital requis pour pouvoir procéder à son inscription.
Une nouvelle initiative a été prise cette année en vue de la réunion des actionnaires de Total le 24 mai prochain. Cette fois, la question porte sur la stratégie du groupe dans le contexte d’une économie bas carbone. Sous l’impulsion de l’association britannique Shareaction, BP et Shell avaient déjà été sollicitées sur ces problématiques en 2015. Les projets de résolution avaient reçu le soutien du management des deux compagnies et les assemblées avaient adopté les projets à une très large majorité (voir Impact Entreprises n° 214 et n° 216). Fort de l’expérience de Shell et de BP, le conseil d’administration de Total a anticipé le dépôt du projet de résolution en acceptant de produire un rapport sur sa gestion des risques climatiques, rapport qu’il présentera le 24 mai aux actionnaires. Le projet de résolution ne sera donc pas déposé, mais le débat ne devrait pas être éludé pour autant. L’an dernier déjà, le groupe avait été interrogé par une association sur l’impact de la baisse du cours du brut sur la valorisation de ses réserves, et sur la part des énergies renouvelables utilisées dans les stations-service en France. Sur ce dernier point, le président de séance avait indiqué que 12 stations [sur 3 700, NDLR] étaient équipées de panneaux photovoltaïques, arguant que les conditions économiques n’étaient pas réunies en France. Ce qui est fort peu au vu de l’ambition du groupe en matière d’énergie solaire…