La responsabilité des entreprises à l’épreuve du coup d’État en Birmanie

Le 8 novembre 2020, la Ligue nationale pour la démocratie (NLD) a très largement remporté les élections pour le renouvellement du Parlement (Hluttaw) du Myanmar (Birmanie). Selon les résultats annoncés le 11 novembre par la commission électorale, sur les 330 sièges « disponibles » de la chambre des représentants (110 sièges étaient réservés à l’armée), la NLD en a obtenu 258. Et sur les 168 sièges « disponibles » à la chambre des nationalités, elle en a gagné 138. Cette victoire écrasante s’est insérée dans le prolongement de celle remportée par la NLD lors des élections générales du 8 novembre 2015 après plus d’un demi-siècle de dictature militaire (IE n° 215). Mais, le 26 janvier 2021, l’armée a contesté les résultats du scrutin. Le 1er février, la présidente de la NLD, Aung San Suu Kyi, le président birman, Win Myint, plusieurs ministres et d’autres personnalités ont été arrêtés, les élections annulées et l’état d’urgence décrété pour un an.

Depuis, les protestations internationales et les manifestations (interdites) se multiplient, mais la répression se renforce. En 1990, la NLD avait déjà remporté une victoire éclatante, deux ans après la répression sanglante des manifestations pacifiques de septembre 1988 par la junte militaire. Le pouvoir militaire avait également refusé de reconnaître le résultat du scrutin. L’opinion internationale avait réagi fermement et s’était mobilisée durant de longues années pour exiger que les entreprises occidentales se retirent du pays. Progressivement, de nombreuses sociétés ont quitté la Birmanie. L’entreprise française Total a fait partie des sociétés les plus violemment dénoncées par les défenseurs des droits humains pour avoir signé, en juillet 1992, un contrat de partage de production de gaz avec la compagnie d’État (IE n° 1), avoir fermé les yeux sur les exactions de l’armée le long du trajet de son gazoduc et apporté au régime les devises nécessaires à son renforcement. Mais l’entreprise a conservé ses intérêts dans le pays durant toute la période. Aujourd’hui, les appels au boycott des produits et services des entreprises qui ont des liens avec les militaires birmans s’intensifient. De nombreuses organisations, parmi lesquelles plusieurs fédérations syndicales internationales, demandent aux entreprises « de cesser toute relation commerciale avec les militaires birmans et d’exercer leur influence pour obtenir la libération des personnes détenues, restaurer les institutions démocratiques et garantir les droits humains et syndicaux de tou·te·s les travailleur·euse·s du Myanmar ». De son côté, l’association Burma Campaign UK tient à jour une liste d’une centaine d’entreprises (dirty list) qui entretiennent des relations commerciales avec l’armée birmane.