Le groupe Emeis (ex-Orpea) n’est pas encore parvenu à installer des relations sereines avec les syndicats

Le 26 janvier 2022, le livre du journaliste Victor Castanet, Les Fossoyeurs, a fait l’effet d’une bombe. Il décrivait les graves dysfonctionnements dans les Ehpad gérés par le groupe Orpea (désormais Emeis) : maltraitance, détournement d’argent public, politique antisyndicale… Le cours de l’action a perdu plus de la moitié de sa valeur en moins d’une semaine. Pour celles et ceux qui suivaient de près le secteur d’activité, ces révélations n’étaient pas vraiment une surprise. En effet, cela faisait déjà plusieurs mois que les organisations syndicales alertaient les investisseurs et les gérants d’actifs comme BlackRock sur le manque de moyens dans les maisons de retraite, l’obsession de la réduction des coûts et la déficience du dialogue social, et ce, à l’échelle mondiale.

Le groupe a tenté de réagir en réformant sa gouvernance, en congédiant une partie de la direction, en cherchant à séduire les investisseurs, mais aussi en améliorant le dialogue social… Une étude de 2020 montre que les centres de soins pourvus de section syndicale ont eu un taux de mortalité dû à la COVID-19 de 3 %, contre 4,3 % pour les établissements sans syndicat. Les syndicats avancent plusieurs raisons à cela, notamment que les centres de soins de longue durée avec du personnel syndiqué ont tendance à avoir des salariés mieux formés et mieux rémunérés.

Le 8 avril 2022, le groupe a signé un accord mondial avec la fédération syndicale internationale UNI Global Union. Cet accord reposait sur la reconnaissance mutuelle que des conditions de travail décentes, une bonne formation, de bons salaires et le respect des droits des travailleurs avaient une influence directe sur la qualité des soins offerts aux résidents et aux patients dans les établissements d’Orpea. Quelques jours après la parution de l’ouvrage de Victor Castanet, le 3 février 2022, le syndicat polonais OPZZ Konfederacja Pracy (OPZZ KP) a annoncé qu’il avait signé un accord de coopération avec la filiale locale d’Orpea (Orpea Polska Sp. z o.o.).

Mais les intentions tardent à se concrétiser sur le terrain. En Pologne, Emeis gère 15 établissements et compte environ 1 200 salariés. Le 28 février 2025, OPZZ KP a officiellement engagé un bras de fer avec Emeis. Pour la centrale syndicale, cela fait suite à plusieurs années de tentatives infructueuses de parvenir à une convention collective avec l’entreprise et à une reconnaissance du travail des salariés. OPZZ KP soutient que la faiblesse des rémunérations et les conditions de travail difficiles sont à l’origine de la crise de personnel qui sévit dans le secteur. Si cette situation devait perdurer, l’hémorragie de soignants qualifiés dans le secteur se poursuivrait, compromettant encore davantage la qualité des soins prodigués aux résidents.