Le congrès de l’Autorité internationale des fonds marins (AIFM) s’est achevé le 2 août 2024, après trois semaines d’intenses échanges. En 2023, le débat sur la rédaction d’un code minier pour encadrer les potentielles activités d’extraction des grands fonds marins avait été bloqué par un groupe de pays favorables à l’exploitation minière. En 2024, des progrès ont été enregistrés, puisque désormais, 32 pays soutiennent un moratoire des activités d’exploitation, et que des discussions ont eu lieu pour l’établissement d’un code. Mais elles n’ont pas abouti.
L’assemblée de l’AIFM a aussi élu l’océanographe brésilienne Leticia Carvalho au poste de secrétaire générale. Elle bat ainsi Michael Lodge, qui briguait un troisième mandat. Ce dernier était jugé trop favorable à l’extraction en eaux profondes par les ONG. De son côté, Leticia Carvalho a appelé à une approche plus délibérative de la gouvernance et préconise de prendre son temps pour les négociations sur la rédaction d’un code d’exploitation des minerais en eaux profondes. Elle estime « qu’un cadre réglementaire qui n’est pas encore pleinement établi est une source de litiges ». Ces discussions sont très importantes, compte tenu des enjeux commerciaux et environnementaux liés à l’exploitation des grands fonds marins.
Quelques jours auparavant, le 24 juillet, la revue Nature Geoscience avait publié un article scientifique qui montre que les nodules polymétalliques présents au fond de l’océan pourraient produire de l’oxygène grâce à l’eau de mer.
Les scientifiques (Andrew K. Sweetman et al.) ont collecté des nodules dans l’océan Pacifique, à environ quatre mille mètres de profondeur. Ceux-ci contenaient des minéraux essentiels aux technologies nécessaires à la transition vers une énergie verte, comme les batteries pour véhicules électriques. L’expérimentation indique que les nodules portent une charge électrique qui pourrait rompre les molécules d’eau et, grâce à l’électrolyse de l’eau de mer, produire ce que les chercheurs appellent du « dark oxygen ». La source d’énergie à l’origine de la réaction reste un mystère. Si ces nodules constituent effectivement une source importante d’oxygène pour les créatures des profondeurs marines, leur extraction pourrait endommager ou détruire ces écosystèmes.
Ironie de l’histoire, cette étude a en partie été financée par The Metals Company (TMC), une société minière installée à Vancouver qui affirme que l’exploitation minière en eaux profondes a un impact environnemental relativement faible et favorisera même la transition énergétique. L’entreprise conteste désormais les conclusions de l’étude. Elle a publié une déclaration contredisant la méthodologie employée et citant une autre recherche menée dans une zone similaire, mais qui a eu des résultats opposés. TMC prévoit de publier dans les prochaines semaines une réfutation scientifique détaillée, impliquant ses propres chercheurs ainsi que des experts extérieurs.
Andrew Sweetman a répondu qu’il accueillerait favorablement les études évaluées par des pairs qui examineraient plus en détail ce phénomène. Il a ajouté qu’à la suite de la publication de l’article, d’autres chercheurs l’avaient contacté avec des données similaires présentant également des preuves de production d’« oxygène sombre ». Ces derniers avaient rejeté ces conclusions, pensant que leurs équipements étaient défectueux. Finalement, comme l’affirment ceux qui militent pour un moratoire, cette découverte souligne la nécessité de mieux analyser le fond des océans afin de davantage comprendre comment fonctionnent les écosystèmes à ces profondeurs et comment l’exploitation minière les affecterait.