Le phénomène d’appropriation des terres (land grabbing) n’est pas nouveau. Il s’est développé à grande échelle avec la « découverte » de nouvelles terres dans les Amériques et ailleurs, ou avec la colonisation. La pression démographique, les nouvelles habitudes alimentaires, les besoins d’espace pour les énergies renouvelables, les besoins de minerais, les projets forestiers pour capter le carbone, etc. sont autant de facteurs qui attisent les convoitises et alimentent le phénomène. Dans un certain nombre de pays en développement, l’absence de titres de propriété « en bonne et due forme » a grandement facilité cette appropriation.
La base de données Land Matrix montre que la République démocratique du Congo est le pays en développement le plus touché en matière de superficie cédée à des investisseurs étrangers (9,4 millions d’hectares entre 2000 et 2022). En ce qui concerne les pays à revenu moyen supérieur, le Pérou est également particulièrement ciblé. Un peu plus de 16 millions d’hectares ont été cédés sur la même période, en grande partie pour l’exploitation minière. En Europe, l’Ukraine est aussi concernée, essentiellement à des fins agricoles. Les transactions foncières conclues entre 2000 et 2020 ont représenté plus de 3,2 millions d’hectares. En 2020, les investisseurs étrangers contrôlaient 7,6 % de l’ensemble des terres agricoles. Chypre et le Luxembourg étaient les principaux pays d’où provenaient ces investissements.
Deux rapports viennent d’être publiés pour alerter sur la financiarisation des terres agricoles en France. Le premier a été rendu public le 28 février 2023 par le mouvement Terre de Liens. Il s’agit de la seconde édition de son rapport sur l’état des terres agricoles en France. Il fait notamment ressortir que les sociétés agricoles qui permettent à des investisseurs non agricoles de prendre le contrôle des fermes représentent désormais une ferme sur dix. Elles contrôlent 14 % de la surface agricole utile (SAU). Le deuxième document a été édité par l’association Les Amis de la Terre France. Il dénonce également l’accaparement des terres en France par l’agro-industrie. Il insiste sur le fait que cette tendance va à l’encontre d’une agriculture durable, et qu’il n’y a pas d’écologie et d’emploi paysan possibles sans partage des terres.