Selon une étude réalisée en 2019, à laquelle a participé l’organisation australienne Market Forces, le Bangladesh possède l’un des plus importants portefeuilles de projets de centrale à charbon au monde (vingt-neuf centrales totalisant 33,2 GW de capacité). Toutefois, lors d’un récent webinaire organisé par le Center for Policy Dialogue, le ministre bangladais de l’Energie et des Ressources minérales, Nasrul Hamid, a surpris les observateurs en déclarant que le pays réfléchissait à la manière dont il pourrait se passer des centrales à charbon et qu’il prévoyait de réviser les vingt-neuf projets actuellement planifiés, à l’exception de trois d’entre eux (Rampal, Matarbari et Payra, les trois centrales à charbon en voie d’achèvement).
Pour Mohammad Hossain, directeur général de l’organisme de recherche du ministère Power Cell, l’énergie produite à partir du charbon n’est plus bon marché et son coût augmente encore lorsque le combustible est importé. Cette technologie dépend aussi largement des importations d’équipements, un facteur qui ne peut être négligé du fait des perturbations de la chaîne d’approvisionnement induites par la Covid-19. Le coût des énergies renouvelables est inférieur à celui du charbon depuis plusieurs années et les récentes baisses de prix du pétrole et du gaz rendent également ces deux combustibles compétitifs. En outre, l’Office du développement énergétique du Bangladesh doit verser de coûteuses subventions aux exploitants de centrales électriques sous-utilisées (« paiements de capacité »). Avec un taux d’utilisation des centrales à charbon de 43 % entre 2018 et 2019, le gouvernement aurait payé l’équivalent de 1,1 milliard de dollars aux exploitants. Et pour l’exercice 2020-2021, un tiers du budget du ministère de l’Energie a déjà été alloué à ces paiements. Avec la crise sanitaire, les prévisions de croissance ont été ramenées à 2 % pour cette année (contre 7,4 % avant la crise).
Les vingt-neuf centrales à charbon en projet sont à des stades de développement divers. Les trois projets que le ministre souhaite conserver sont financés par des agences de crédit à l’exportation internationale chinoises, japonaises et indiennes. La plupart des autres projets font l’objet d’accords d’ingénierie, d’approvisionnement et de construction (EPC, engineering, procurement and construction), d’engagements de prise de participation ou n’en sont qu’au stade du protocole d’accord. Au Bangladesh, les entreprises chinoises dominent très largement le marché de l’EPC et celui des investissements en capital, une implication qui représente 16,5 GW des contrats EPC selon Market Forces. Une traduction en actes des propos du ministre fragiliserait incontestablement le marché de l’EPC et refroidirait sans nul doute un peu plus le secteur de l’assurance vis-à-vis du charbon.