Pour une entreprise, externaliser ses activités amont permet de faire appel à des sociétés spécialisées sur des segments d’activité, d’agir sur les prix et d’être plus flexible. Mais, avec l’explosion des réseaux d’approvisionnement enregistrée depuis quelques décennies, le contrôle de la qualité des produits s’avère difficile et onéreux. Si la qualité matérielle peut, plus ou moins, être vérifiée sur pièce, il n’en va pas de même de la qualité sociale et environnementale, qui exige un contrôle précis des processus de fabrication, voire de l’acheminement des articles. De nombreux rapports montrent les failles des dispositifs mis en place par les entreprises. Le développement de pratiques s’apparentant à de l’esclavage moderne se propageant également, les Etats essaient peu à peu de mettre en œuvre des mécanismes réglementaires pour lutter contre ce fléau. Mais, là aussi, les carences sont nombreuses.
L’entreprise suisse Nestlé a annoncé, le 1er février dernier, qu’elle allait publier la liste des fournisseurs de quinze produits agricoles prioritaires, ainsi que certaines informations les concernant (emplacements, volumes achetés…). Les premières denrées retenues sont le soja, la viande, les noisettes et la vanille. Puis suivront, d’ici la mi-2019, des produits comme la noix de coco, les épices, le café, le cacao, le lait, les céréales, le sucre, les légumes, les fruits de mer… Cette étape est importante parce qu’elle ouvre la porte à des contrôles inopinés de la part de tiers. Encore faut-il, bien sûr, que les sites soient accessibles, que les travailleurs aient les moyens de s’exprimer en toute confidentialité et que la société donneuse d’ordre voie dans ces audits non officiels l’opportunité d’améliorer ses dispositifs et la situation sur le terrain.
Mais la question des droits sociaux – et, plus particulièrement celle de l’esclavage moderne – concerne aussi l’aval, la chaîne de distribution, surtout lorsqu’il s’agit de micro-distribution. Ce type de distribution prospère dans les pays en développement pour les produits de consommation courante. Le 6 février dernier, le gouvernement brésilien a annoncé que Danone et Dairy Partners Americas Brasil (une société détenue à 49 % par Nestlé) pourraient être intégrés à la liste noire gouvernementale « lista suja » des entreprises employant des personnes avec des méthodes pouvant être assimilées à de l’esclavage. Une enquête réalisée par l’inspection du travail entre mars et juillet 2018 a en effet permis de démanteler un réseau frauduleux de vente à domicile de yaourts à bas prix dans les banlieues des grandes villes et des villes de l’intérieur du pays. Ce réseau était approvisionné par les deux multinationales. Les employés distribuant les produits pouvaient être amenés à travailler jusqu’à quatorze heures par jour pour une rémunération dérisoire, ils subissaient des réductions de paie injustifiées et se trouvaient dans l’obligation de s’endetter pour survivre… Bien que les groupes français et suisse n’aient pas été directement impliqués, les autorités ont estimé qu’ils avaient failli à leurs obligations en ne parvenant pas à contrôler leur circuit de distribution et à adopter des mécanismes évitant toute violation des droits sociaux fondamentaux.