La décision de Carrefour de commercialiser des fruits et légumes issus de semences paysannes à partir du 20 septembre fait l’effet d’un pavé dans la mare. Car non inscrits au catalogue officiel des espèces et variétés, les semences et les plants traditionnels sont, pour la plupart, interdits à la vente depuis un décret du 18 mai 1981 (ce qui limite considérablement leur développement et l’enrichissement de la biodiversité). Certes, l’initiative de Carrefour n’est pas sans une arrière-pensée marketing et elle suscite des questions légitimes : la décision du groupe de sensibiliser le public n’intervient-elle pas alors que cette sensibilisation est déjà bien amorcée ? Son initiative ne compense-t-elle pas que très partiellement un processus de standardisation auquel il a largement contribué ? Comment répondre à une éventuelle explosion de la demande sans affecter la qualité de l’offre ? Comment faire cohabiter dans un même lieu de vente la recherche d’authenticité et de proximité attachée à cette demande et les dérapages sociaux et environnementaux qui résultent de la consommation de masse ? En lançant une pétition visant à changer la loi de1981 afin de favoriser l’accès des semences paysannes au catalogue, Carrefour va encore plus loin et rejoint une demande formulée par nombre de partisans de l’agriculture paysanne. Deux nouvelles questions, à tout le moins, se posent alors et exigent des réponses difficiles à concilier. Carrefour est-il légitime pour peser sur la législation ? Les mouvements de citoyens peuvent-ils ou doivent-ils se priver d’un allié de poids pour la modifier ? La réponse à ces questions passe nécessairement par une reconnaissance réciproque et clairement énoncée des rôles et des intérêts de chacun.