La question de la répartition des terres domine la société agricole brésilienne depuis des décennies. Les conflits entre les grands et les petits propriétaires terriens ou les paysans sans terre (trabalhadores sem terra) sont nombreux et parfois très violents. Traditionnellement, ils ont pour toile de fond l’élevage du bétail, la culture de l’hévéa, les cultures extensives… Mais un nouvel enjeu perturbe la vie des petits agriculteurs depuis quelques années : le développement des fermes éoliennes. L’énergie éolienne a le vent en poupe au Brésil. Avec 1 109 parcs installés et 11 773 éoliennes en fonctionnement, le pays occupe la 6e place mondiale en capacité terrestre installée.
Fin février 2025 et début mars, les médias IrpiMedia (Italie), Mongabay (États-Unis) et Intercept Brasil (Brésil) ont publié une enquête qu’ils ont menée auprès des communautés vivant à proximité des parcs éoliens de l’énergéticien Enel dans les États de Bahia et de Piauí. Ils ont décortiqué la manière dont l’entreprise s’approprie des terrains où implanter ses mâts. Pour gérer le processus d’accès au foncier, la multinationale italienne a recours à des sociétés intermédiaires locales. Ces dernières ont souvent recours à des méthodes agressives pour conclure des contrats. Elles profitent du fait que les résidents ne disposent pas de documents prouvant leur propriété foncière et qu’ils n’enregistrent pas officiellement les limites des parcelles qu’ils possèdent ou des domaines publics qu’ils occupent, et dont ils sont, selon le Code civil brésilien, les propriétaires légitimes. Elles louent ensuite ces terrains à Enel pour y construire des parcs éoliens ou solaires.
L’un des domaines les plus controversés est le parc éolien d’Aroeira. Les petites propriétés agricoles sont désormais cernées par les éoliennes. Un dédale de routes relie les mâts entre eux, des lignes électriques serpentent d’un champ à l’autre. La construction du parc s’est faite au détriment des moyens de subsistance des familles et de leur qualité de vie (bruit constant, importantes quantités de poussière soulevée par les véhicules transportant des engins de chantier sur les chemins de terre…). Les communautés locales n’ont jamais été concertées ni invitées aux réunions concernant les projets, bien que le document de politique sur les droits humains d’Enel mentionne les relations avec les communautés et les sociétés parmi ses principes fondamentaux.
Les effets négatifs des énergies renouvelables sur les communautés et l’environnement s’observent aussi dans l’énergie solaire. Outre les impacts environnementaux et sociaux au moment de la fabrication des panneaux, et l’emprise sur les sols au détriment des denrées alimentaires, les parcs solaires peuvent également avoir des effets nuisibles sur la nature (terre, cours d’eau…) et la santé lors de leur entretien.
Ainsi, dans un article de Mongabay daté du 13 mars 2025, Karthikeya Sivasenapathy, administrateur de la Senaapathy Kangayam Cattle Research Foundation, alerte sur l’utilisation inconsidérée des herbicides, souvent à base de glyphosate, pour entretenir les stations photovoltaïques du Tamil Nadu (Inde), dont la production solaire a bondi de 53 % en 3 ans. Il appelle à une maîtrise raisonnée de la végétation : débroussaillage mécanique des herbes jusqu’à une hauteur minimale, mais sans ombrager les panneaux, pâturage par des ovins ou des caprins, agrivoltaïsme, etc. De plus, ces techniques pourraient rafraîchir naturellement l’environnement par évapotranspiration, contribuant de cette manière à abaisser la température des panneaux et à améliorer leur efficacité, à restaurer la santé des sols, à concourir à la conservation de la biodiversité…