Si la durée de vie du méthane dans l’atmosphère est nettement plus courte que celle du dioxyde de carbone, son pouvoir réchauffant est aussi considérablement plus élevé (entre 30 et 80 fois, en fonction de la durée). D’après le rapport Global Methane Tracker 2024 publié en mars dernier par l’Agence internationale de l’énergie (AIE), ce gaz serait à l’origine de 30 % de l’augmentation des températures mondiales depuis la révolution industrielle. Toujours selon l’organisation, en 2023, les rejets de CH4 d’origine anthropique ont représenté 351 millions de tonnes, soit 60 % du volume total de méthane (d’origine naturelle et humaine). L’agriculture constitue à elle seule 24 % de ce total, et l’énergie, 22 % (pétrole [8 %], charbon [7 %], gaz [5 %], bioénergie [2 %]).
L’industrie pétrogazière promet depuis plusieurs décennies de s’attaquer au problème, notamment en ce qui concerne les opérations de torchage. Mais les rejets du secteur sont très probablement largement sous-estimés. Dans un article du 12 novembre 2024, le Financial Times a fait le point sur les astuces utilisées par les compagnies pour dissimuler leurs émissions de méthane. Elles utilisent, par exemple, des équipements inadaptés pour détecter les fuites. Par ailleurs, elles ne communiquent que les rejets provenant des installations dont elles sont les opérateurs. Selon une étude de la Clean Air Task Force datée du 12 novembre 2024, plus de la moitié des gaz de torchage issus des activités de 10 majors pétrolières émanent d’actifs non opérés. De plus, depuis peu, les entreprises pétrolières multiplient le recours aux chambres de combustion fermées. Ces installations fonctionnent de la même manière que les torchères, à la différence que la flamme est cachée afin de la soustraire aux satellites de surveillance.
Dans ce contexte, l’association Carbon Tracker a publié une étude le 14 novembre, baptisée Absolute Impact 2024. Dans ce document, l’ONG évalue et classe les engagements de réduction des émissions de gaz à effet de serre pris par 30 des plus grands producteurs de pétrole et de gaz. Elle révèle que l’engagement de l’industrie à réduire ses émissions stagne pour la deuxième année consécutive, et affirme également que la crédibilité des stratégies des entreprises pour atteindre leurs objectifs d’émissions est douteuse.
Concernant les rejets de méthane, l’étude constate que Chevron est la seule compagnie dont les objectifs couvrent ces émissions. Les autres majors détiennent des participations importantes dans des actifs exploités par des entreprises ayant des normes de méthane moins strictes, et dans des pays où l’intensité moyenne des émissions de méthane est élevée. De plus, de nombreuses sociétés possèdent ou exploitent des infrastructures gazières, telles que des gazoducs et des méthaniers, qui peuvent laisser s’échapper de grandes quantités de méthane, mais celles-ci ne sont pas couvertes par la plupart des objectifs. Enfin, le rapport souligne que les engagements d’éliminer le brûlage du gaz ne portent souvent que sur le torchage « de routine », qui ne représente qu’une faible proportion du brûlage total déclaré par certaines firmes.