Le rythme de la déforestation de l’Amazonie brésilienne continue de baisser. Cela ne veut pas dire que la forêt arrête de disparaître, mais elle diminue moins vite. Par rapport à 2022, la perte de forêts primaires au Brésil a été réduite de 36 % en 2023 (World Resources Institute). Il s’agissait du plus faible niveau de perte depuis 2015. Le 6 novembre 2024, l’Institut national de recherche spatiale brésilien (INPE) a publié de nouveaux chiffres indiquant que la superficie totale déboisée du pays a encore baissé de 30,6 % entre août 2023 et juillet 2024, et ce, malgré les incendies d’août et de septembre. Cette information est importante pour le président Lula, qui avait fait de la lutte contre la déforestation un argument de campagne lors de l’élection présidentielle de 2022.
À l’occasion de la Conférence des Parties (COP16) de la Convention sur la diversité biologique, qui s’est déroulée à Cali (Colombie) du 21 octobre au 2 novembre, le gouvernement brésilien a d’ailleurs lancé son initiative Planaveg révisée. Celle-ci vise à restaurer 12 millions d’hectares de terres dégradées d’ici 2030. Si de nombreux observateurs ont salué cette démarche, ils ont également insisté sur les défis que représente la restauration d’une zone aussi vaste dans un délai aussi court. De plus, ils constatent que cet objectif reste loin des 20,7 millions d’hectares de végétation indigène qui ont été illégalement dégradés sur les seules parcelles rurales privées.
Les nouvelles d’Indonésie sont moins encourageantes. Le 10 novembre 2024, le Rainforest Action Network (RAN) a en effet publié une nouvelle étude dans laquelle il montre de nouvelles déforestations illégales dans la réserve naturelle de Rawa Singkil. Le rapport souligne que malgré son statut de zone protégée, la réserve a vu sa déforestation multipliée par quatre entre 2021 et 2023. Il pointe aussi le fait que l’huile de palme reste le principal moteur de la déforestation illégale dans la réserve, et que cela n’est pas dû aux petites exploitations familiales, mais essentiellement aux spéculateurs fonciers.
Les associations environnementales s’inquiètent également de la politique qui sera poursuivie par le nouveau président élu en début d’année, Prabowo Subianto. Selon les ONG, celui-ci tiendrait un double discours : apaisant à destination de la communauté internationale, beaucoup moins lorsqu’il s’adresse à ses compatriotes. Susan Herawati, secrétaire générale de People’s Coalition for Fisheries Justice (KIARA) a fait le constat, lors d’une allocution prononcée le 20 octobre par Prabowo Subianto, que ce dernier ne prêtait guère attention aux trois crises planétaires (changement climatique, perte de biodiversité, pollution). De plus, il s’est entouré de plusieurs ministres proches de l’influent magnat de Bornéo Andi Syamsuddin Arsyad, plus connu sous le nom de Haji Isam. Son empire commercial est constitué d’environ 60 entreprises actives dans l’huile de palme et le charbon, et impliquées dans une déforestation à grande échelle et des conflits avec les communautés autochtones. Pour mémoire, Prabowo Subianto a une carrière militaire très controversée. Il est notamment accusé d’avoir supervisé plusieurs massacres lors de l’occupation du Timor oriental et de la dictature du général Suharto.
C’est dans ce contexte que, le 14 novembre, le Parlement européen a approuvé le report d’un an du règlement contre la déforestation importée proposé début octobre par la Commission. Cette décision a fait réagir de nombreuses catégories d’observateurs, y compris dans la sphère de la finance responsable et le monde de l’entreprise. Des entreprises comme Carrefour, Danone ou Michelin ont appelé les institutions européennes à revenir sur leur décision, indiquant que ce retard les pénalisait, en particulier au regard des efforts qu’elles avaient fournis pour être prêtes à l’échéance initialement prévue. Ces réactions n’ont pas suffi à annuler cette décision. Pire, les eurodéputés de droite, soutenus par l’extrême droite, ont affaibli le texte en y introduisant des amendements. Ils ont notamment créé une nouvelle catégorie de pays qui seraient considérés comme « sans risque ». Celle-ci s’ajoutait aux trois catégories de risque existantes (faible, standard et élevé) et concernerait 136 pays.
Dans une enquête datée du 12 novembre, l’association britannique Earthsight a fait ressortir les relations financières qui existaient entre les principaux partis qui ont fait campagne pour un report du règlement et qui ont supporté les amendements présentés – en particulier le CDU allemand et l’ÖVP autrichien –, et des entreprises impliquées dans l’importation et la commercialisation de produits concernés par la directive. Finalement, le 20 novembre, les États membres de l’Union européenne ont rejeté les amendements.