Barcelone, été 1992. Avec 9,7 milliards de dollars, les jeux de la XXVe olympiade ont marqué leur temps en atteignant un sommet en matière de coûts liés au sport, dépassant de 50 % le précédent record des jeux de Moscou (1980). Barcelone a aussi consolidé la domination du fabricant d’articles de sport Nike face à son grand rival Reebok. Mais cette année-là, l’entreprise devait, à son corps défendant, donner le coup d’envoi d’une campagne d’opinion internationale sur le secteur des articles de sport, puis, plus largement, à l’encontre de celui de l’habillement.
En 1992, plusieurs organisations britanniques avaient dénoncé les conditions de travail et salariales de 6 500 ouvriers travaillant chez un sous-traitant indonésien de Nike à Serang. Le 28 septembre, ces salariés s’étaient mis en grève pour demander que leur salaire (moins d’un dollar par jour) soit porté au niveau minimal indonésien (environ 25 % plus élevé). La direction avait fait appel à l’armée pour tenter de réprimer les protestations. Après quelques heurts, les salariés ont obtenu satisfaction. Mais le mal était fait, et en Europe, la campagne allait gagner la France, les Pays-Bas et le reste de l’Europe.
Paris, été 2024. Trente-deux ans plus tard, la question de la rémunération des travailleurs des sous-traitants de Nike est toujours à l’ordre du jour. Plus de 20 organisations syndicales du secteur de l’habillement de 6 pays se sont ralliées à la Global Labor Justice et l’Asia Floor Wage Alliance pour lancer la campagne Fight the Heist. Celle-ci exige que Nike garantisse une rétribution équitable dans sa chaîne d’approvisionnement. Ces syndicats ont aussi déposé une plainte auprès du point de contact national de l’OCDE aux États-Unis.
Des actionnaires de la société ont également introduit un projet de résolution – déjà déposé en 2023 – lors de l’assemblée générale annuelle du 10 septembre prochain. Ce projet demande à Nike de rendre compte de la manière dont la gestion de sa chaîne d’approvisionnement est en phase avec ses objectifs en matière d’équité et avec ses engagements sur la question des droits humains