Le nombre de personnes déplacées dans le monde ne cesse de croître, et partout, les travailleurs migrants sont la proie de trafiquants et d’employeurs peu scrupuleux. Souvent, ces derniers bénéficient de législations laxistes ou inefficaces, et/ou font l’objet de peines symboliques. Les législateurs semblent cependant lentement durcir leurs positions. Au cours du premier semestre 2024, la police et la justice milanaises ont découvert des ateliers clandestins sous-traitant pour l’industrie du luxe, et dans lesquels travaillaient des migrants dans des conditions inhumaines. Les groupes Giorgio Armani et Dior sont concernés, et la justice italienne a placé sous administration judiciaire les deux filiales impliquées pour une durée d’un an.
Le 17 juillet 2024, l’autorité italienne de la concurrence a fait un pas supplémentaire en annonçant qu’elle enquêtait pour savoir si, dans cette affaire, Armani et Dior (groupe LVMH) avaient induit les consommateurs en erreur. L’autorité a en effet estimé que les deux groupes « mettaient l’accent sur le savoir-faire [de leurs produits] et l’excellence de leur savoir-faire » tout en s’appuyant sur des ateliers employant des personnes aux salaires trop bas, travaillant de longues heures et allant à l’encontre des règles de santé et de sécurité. L’organisme a indiqué que son enquête s’était concentrée sur certaines filiales des deux groupes, et que des inspections y avaient été menées le 16 juillet.
L’autorité pense qu’Armani et Dior pourraient avoir fait de fausses déclarations en matière d’éthique et de responsabilité sociale, notamment en ce qui concerne les conditions de travail et le respect de la légalité chez leurs fournisseurs. Placer cette affaire sous l’angle de la consommation peut, bien entendu, avoir des conséquences financières pour les deux entreprises, puisqu’en Italie, les infractions au Code de la consommation sont passibles d’amendes pouvant atteindre 10 millions d’euros.
En tant que partenaire premium de Paris 2024, Dior occupe actuellement le devant de la scène, en particulier grâce à ses spots publicitaires. À la suite des faits relevés en Italie, la direction de l’entreprise a adressé à l’ensemble de son personnel une information selon laquelle elle prenait les mesures nécessaires pour intensifier les contrôles sur sa chaîne d’approvisionnement. Mais la question est bien plus de savoir pour quelles raisons de telles défaillances existaient dans son dispositif de contrôle. La rigueur et le sérieux de son système de vérification pourraient être contestés, si l’on en croit une dépêche de l’agence Reuters datant du 6 août 2024.
Cette dernière rappelle qu’au Royaume-Uni, une loi de 2015 exige que les entreprises dont le chiffre d’affaires dans le pays est égal ou supérieur à 36 millions de livres (43 millions d’euros) publient des déclarations annuelles sur leur site internet pour détailler les mesures qu’elles prennent afin de lutter contre le travail forcé dans leurs entreprises et leurs chaînes d’approvisionnement à l’échelle mondiale. Or, jusqu’au 19 juillet 2024, le site britannique de Dior affichait une déclaration sur l’esclavage moderne… datant de 2020. La firme a ensuite publié une déclaration datant de 2023, après que Reuters a demandé le 18 juillet dernier si la marque se conformait à la réglementation britannique. Le nouveau document indique qu’il a été approuvé par le conseil d’administration de Christian Dior UK le 18 juillet. En date du 5 août, Dior n’avait pas publié de déclarations pour 2021 et 2022.
Le 19 juillet, la page sur le développement durable du site internet de Dior arborait également la Butterfly Mark, une certification du cabinet d’audit Positive Luxury, qui évalue les entreprises sur la base de 23 questions environnementales, sociales et de gouvernance. Le site indiquait que Christian Dior Couture avait obtenu cette certification en 2021 « à la suite d’un audit rigoureux » qui attestait de l’authenticité de sa stratégie de développement durable. Le certificat était valable deux ans. Mais, en juin 2023, Dior a choisi de ne pas engager son processus de réévaluation. La marque aurait dû retirer le logo de certification dans les 90 jours qui ont suivi cette décision, mais elle ne l’a fait qu’en juillet 2024.