L’intégration d’indicateurs ESG pertinents dans les rémunérations peut accélérer la responsabilité d’entreprise

BNP Paribas AM a annoncé le 27 juin 2024 qu’elle avait incorporé dans sa politique de vote de nouvelles attentes envers les entreprises. La société de gestion requiert désormais que celles-ci intègrent des critères liés au climat dans les plans de rémunération de leurs dirigeants. Dans un premier temps, cette exigence concernera les firmes des secteurs de l’énergie, des services aux collectivités, de l’industrie et des matériaux ainsi que les firmes identifiées comme de gros émetteurs de gaz à effet de serre. Cette politique sera étendue à toutes les sociétés d’ici 2026. Cette composante devra être pertinente par rapport à la stratégie de développement durable des entreprises et quantifiable.

Même si elle intervient tardivement – l’urgence climatique n’est en effet pas vraiment une nouveauté –, cette initiative est bienvenue. Il faudra, bien entendu, apprécier le niveau d’ambition des objectifs fixés aux dirigeants et s’assurer de l’exactitude des calculs. Mais cette pratique pourrait également permettre aux actionnaires d’engager un dialogue plus offensif avec la direction des entreprises. Depuis 2020, le Forum pour l’investissement responsable (FIR) s’intéresse à la question du lien qui pourrait être établi entre intéressement, rémunération variable et critères ESG dans le cadre de sa campagne annuelle de questions écrites lors des assemblées générales des sociétés du CAC 40.

Dans une étude publiée en janvier 2024, l’Orse (Observatoire de la responsabilité sociétale des entreprises), PWC et le Pacte mondial ont fait remarquer que la rémunération variable (à court ou à long terme) de l’ensemble des dirigeants mandataires sociaux des entreprises du CAC 40 intégrait, en 2022, des critères RSE. De son côté, le Forum économique mondial a indiqué dans son Insight Report de 2019 que pour mettre en place une gouvernance climatique efficace, les conseils d’administration des sociétés pouvaient envisager d’inclure des objectifs et des indicateurs liés au climat dans les plans d’incitation de leurs dirigeants.

De son côté, fin 2023, le groupe de réflexion patronal étatsunien Conference Board a réalisé une étude en partenariat avec le cabinet de conseil en rémunération des dirigeants FW Cook. Le document affirme que la part des sociétés du S&P 500 intégrant des mesures liées au climat dans les plans de rémunération de leurs dirigeants est passée de 25 % en 2021 à 54 % en 2023. Le pourcentage a également doublé dans l’indice Russell 3000 (16 % en 2021, 32 % en 2023).

L’étude de l’Orse citée plus haut montre aussi que les deux tiers des firmes incluent au moins un paramètre ESG dans la rémunération de certaines catégories de personnel. De son côté, le 18 juin 2024, le cabinet Deloitte a édité son troisième rapport annuel sur le bien-être au travail en collaboration avec l’agence de recherche Workplace Intelligence. L’étude a été réalisée auprès de 3 150 cadres supérieurs, gestionnaires et employés d’entreprises (États-Unis, Royaume-Uni, Canada, Australie). Elle fait ressortir que 59 % des employés, 66 % des cadres et 71 % des cadres dirigeants se disent prêts à accepter un emploi dans une autre entreprise qui favoriserait leur bien-être.

D’après cette étude, environ 70 % des salariés estiment que les dirigeants de leur entreprise devraient s’investir davantage pour promouvoir le développement durable, et 76 % des cadres dirigeants souhaiteraient être plus impliqués dans les initiatives de leur société sur les questions sociales. Cela augmenterait la capacité de leur entreprise à attirer de nouveaux talents, à gagner des clients et à améliorer la rentabilité. L’enquête montre aussi que 88 % des cadres dirigeants, 83 % des managers et 76 % des salariés aimeraient qu’au moins 25 % de leur rémunération soit liée à des indicateurs de « durabilité humaine ». Près de la moitié des cadres dirigeants (47 %) voudraient même qu’au moins 75 % de leur rémunération soit liée à ces indicateurs.