Il est des moments où il faut savoir se réjouir des coups de théâtre. En juin 2022, la Commission européenne a proposé un règlement relatif à la restauration de la nature. Des études indiquent en effet que plus de 80 % des habitats naturels européens sont en mauvais état. Mais, après la fronde des agriculteurs un peu partout en Europe au début de l’année 2024, le Parlement européen a certes donné son feu vert, mais à un texte édulcoré.
Malgré cette approbation, l’opposition ou l’abstention de plusieurs pays, dont l’Autriche, la Belgique, la Finlande, l’Italie, les Pays-Bas, la Pologne et la Suède, mais surtout le revirement surprise de la Hongrie ont fait craindre le pire en mars. Les opposants au règlement faisaient valoir le coût élevé généré par les nouvelles exigences, leur impact sur le secteur agricole et la question de la sécurité alimentaire. Finalement, un vote au sein du Conseil de l’UE a été décidé pour le 17 juin. Mais 48 heures avant le vote, la majorité qualifiée nécessaire pour adopter le texte (55 % des États membres représentant au moins 65 % de la population de l’Union) n’était pas atteinte.
Et puis, le 16 juin, l’Autriche a changé de position par la voie de sa ministre de l’Environnement écologiste Leonore Gewessler, et ce, malgré l’opposition du chancelier et d’une grande partie de son gouvernement. Le texte a recueilli les voix de 20 États membres représentant… 66 % de la population de l’Union.
La position de Leonore Gewessler lui a valu une plainte pénale pour abus de pouvoir de la part du parti du chancelier autrichien (le Parti populaire autrichien). Le chancelier Karl Nehammer a également annoncé que l’Autriche allait déposer un recours en annulation devant la Cour de justice de l’Union européenne. Mais, de son côté, le ministre belge Alain Maron, qui présidait le Conseil, a affirmé que le vote était définitif.
Ce règlement pose un cadre pour fixer des objectifs juridiquement contraignants dans le but de rétablir 20 % des écosystèmes terrestres et marins de l’Union européenne d’ici 2030, restaurer au moins 30 % des habitats dégradés (forêts, prairies, zones humides, rivières, lacs, herbiers marins, lits d’éponges et de coraux…) d’ici 2030, 60 % d’ici 2040 et 90 % d’ici 2050. Le texte contient également des dispositions visant à inverser le déclin des populations de pollinisateurs telles que les abeilles d’ici 2030. De plus, les États membres devront mettre en place des mesures pour restaurer les tourbières asséchées et au moins 25 000 kilomètres de cours d’eau à courant libre à la même échéance par rapport à 2020, et aider à planter au minimum 3 milliards d’arbres supplémentaires. Mais le règlement introduit aussi un « frein d’urgence » permettant de suspendre les objectifs touchant à l’agriculture « dans des circonstances exceptionnelles » qui menaceraient la sécurité alimentaire. Les États membres ont désormais deux ans pour élaborer leurs plans de restauration nationaux.