L’exploitation du lithium, nouvelle frontière en matière de déploiement de la responsabilité sociétale des entreprises

Le 10 mai 2024, le président nigérian Bola Tinubu a décidé de créer une usine de traitement du lithium dans l’État de Nasarawa. Elle sera construite par une firme chinoise (Avatar New Energy Materials Company Limited). Mais, au cours d’un webinaire qui a eu lieu le 29 mai, plusieurs organisations de la société civile (Community Development Advocacy Foundation, Global Alliance for Incinerator Alternative et Renevlyn Development Initiative) ont dénoncé l’exclusion des communautés des négociations qui ont donné naissance au projet.

Les organisations ont exprimé leurs inquiétudes quant aux impacts social, économique et humain du programme sur leurs communautés. Le respect de la nature et des droits humains est indispensable pour mettre en œuvre une « transition juste », éviter une autre forme de colonialisme énergétique et ne pas reproduire la pollution pétrolière dans le delta du Niger. Les projets doivent respecter le principe du consentement préalable, libre et éclairé des populations autochtones ainsi que des autres groupes locaux.

De plus, les associations ont appelé les acteurs de la filière à promouvoir l’économie circulaire (réutilisation, recyclage, écoconception…) et les entreprises en aval à faire preuve de diligence raisonnable pour respecter les droits humains et l’environnement sur leur chaîne d’approvisionnement, et favoriser un accès équitable à une énergie propre.

Aux États-Unis, dans le Nevada, un projet de mine de lithium (Rhyolite Ridge) pose aussi des problèmes. Une période de consultation s’est achevée le 3 juin 2024. Des associations environnementales et des scientifiques ont envoyé un rapport de 217 pages au Bureau of Land Management (BLM). Dans ce document, ils expliquent que si elle était autorisée, la mine détruirait 22 % de l’habitat critique du sarrasin de Tiehm, une fleur endémique et menacée de la chaîne de Silver Peak, où est envisagée la mine convoitée par la société australienne Ioneer LLC. L’étude va plus loin en indiquant que le projet dégraderait la totalité de l’aire de répartition de la fleur à cause des poussières émises, de la perturbation des insectes pollinisateurs et de l’introduction d’espèces végétales invasives dans la région. Pour Patrick Donnelly, directeur du Centre pour la diversité biologique du Grand Bassin, « le projet minier actuel entraînerait l’extinction du sarrasin de Tiehm ».

Après avoir contesté les données du rapport, Ioneer a finalement admis que la mine finira par toucher environ 21,6 % de l’habitat critique de la plante. Mais l’entreprise affirme qu’elle revégétalisera les terres perturbées avec des plantes indigènes en replantant notamment du sarrasin de Tiehm. En attendant la décision du BLM prévue en octobre prochain, la société a conclu des accords pour fournir du lithium à des constructeurs automobiles. On estime que le projet devrait alimenter près de 370 000 véhicules électriques chaque année.

Le rapport révèle que la mine aura un impact sur deux autres espèces menacées, car sa consommation d’eau sollicitera un aquifère souterrain dont une trop grande quantité d’eau est déjà pompée. Cela pourrait avoir un impact sur d’autres utilisateurs d’eau de la région. L’extraction violera également les droits issus de traités conclus avec les Shoshones occidentaux, dont les terres historiques englobent le site de la mine. Fermina Stevens, directrice du Western Shoshone Defense Project, se demande si le BLM et l’entreprise « comprennent que cette soi-disant énergie verte ne sauvera pas la planète tout en détruisant simultanément les écosystèmes ».