Les protestations contre les ventes d’armes à des gouvernements qui font l’objet de sévères critiques de la part d’une partie de la communauté internationale ne sont pas nouvelles. Ces désapprobations ont revêtu des aspects divers.
Elles ont notamment pris la forme d’actions juridiques, comme ce fut le cas avec la plainte déposée auprès du tribunal de commerce de Nanterre en 1988 contre la société Dassault. Cette dernière avait fourni au régime de Saddam Hussein des avions qui avaient été utilisés contre les populations civiles. Ou, plus récemment, en 2022, une plainte contre Thales et MBDA France pour avoir vendu du matériel de guerre à l’Arabie saoudite et aux Émirats arabes unis, alors que ces pays étaient accusés d’avoir mené des frappes contre des civils au Yémen.
Les opposants à ce type de transactions se sont aussi exprimés lors des réunions d’actionnaires d’entreprises. Ce fut le cas, par exemple, pendant l’assemblée générale de l’avionneur britannique British Aerospace (BAe), le 4 mai 1995, pour protester contre la livraison d’avions Hawk au régime du général Suharto dont le pays, l’Indonésie, occupait illégalement le Timor oriental, aujourd’hui indépendant.
Le 3 avril 2024, c’est à nouveau la société Thales qui a été visée. Aux Pays-Bas, plusieurs sites ont été bloqués (Delft, Huizen, Breda et Hengelo) par des militants d’associations comme Justice Now et EndFossil. Ils accusent Thales de fournir des pièces militaires à Israël et de rendre possible le massacre de Palestiniens innocents dans la bande de Gaza. Ils affirment que l’entreprise produit, entre autres, des drones en collaboration avec l’industrie militaire israélienne, et qu’elle aurait livré des pièces pour un F 35.
Pour l’heure, aucune discussion n’a été établie entre les militants et la direction de Thales aux Pays-Bas. La firme se contente de répondre qu’elle n’engage pas de dialogue sur la destination de son matériel, et qu’elle respecte les lois néerlandaises et internationales. Cette interpellation intervient dans un contexte où, à la suite de l’agression de l’Ukraine par la Russie, les investisseurs responsables semblent être de plus en plus sensibles à la dimension géopolitique des activités des sociétés et des risques, le cas échéant juridiques, auxquelles ces dernières s’exposent. L’assemblée générale de Thales, qui se tiendra le 15 mai prochain à l’auditorium de Châteauform’ City George V à Paris, fera office de test.