Le groupe Shell quitte en partie le Nigeria. Une coalition d’actionnaires le presse à accroître ses ambitions climatiques

Shell a fait ses premiers pas au Nigeria en 1936. Près de 90 ans plus tard, le 16 janvier 2024, l’entreprise a annoncé qu’elle avait conclu un accord pour céder sa filiale terrestre nigériane, Shell Petroleum Development Company of Nigeria Limited (SPDC), à Renaissance, un consortium constitué de cinq firmes : quatre sociétés d’exploration et de production installées au Nigeria (ND Western, Aradel Energy, First E&P et Waltersmith) et Petrolin, une société de commerce et d’investissement installée en Suisse. Le prix de cession pourra atteindre 2,4 milliards de dollars, selon qu’il existera ou non d’éventuelles obligations ou créances de SPDC à la date de clôture de la transaction. La compagnie a fait savoir qu’elle comptait rester un acteur majeur dans le pays, surtout à travers ses activités dans l’offshore profond et le gaz intégré.

Depuis plusieurs décennies, le groupe fait face à de nombreuses actions juridiques pour les pollutions provoquées dans le delta du Niger ainsi que son assistance aux forces de l’ordre nigérianes lors de l’arrestation et de l’exécution sommaire du militant ogoni Ken Saro-Wiwa et de 8 de ses compagnons en novembre 1995. L’entreprise a indiqué que Renaissance assumera la responsabilité de gérer les déversements, les vols de pétrole et les sabotages à l’origine des contentieux. Les associations de défense de l’environnement et des droits humains, quant à elles, déclarent que Shell devra intégralement payer l’assainissement et la restauration des zones polluées, de même que les réparations des dommages dont ont été victimes les communautés d’accueil.

Le même jour, une coalition de 27 investisseurs institutionnels représentant plus de 4 000 milliards de dollars d’actifs sous gestion a annoncé avoir déposé une résolution d’actionnaires auprès de Shell. Ensemble, ils détiennent environ 5 % des actions du groupe. Cette coalition est conduite par l’association néerlandaise Follow This, une habituée des assemblées générales des compagnies pétrolières. Les actionnaires demandent à Shell de se fixer un objectif à moyen terme pour réduire les émissions résultant de l’utilisation de ses produits, en phase avec les objectifs de l’accord de Paris.

En 2021, l’entreprise a lancé « Powering Progress », un programme qui détaille sa stratégie pour atteindre la neutralité carbone sur l’ensemble de son périmètre d’ici 2050. Elle s’est également fixé des objectifs pour 2030, mais uniquement sur les scopes 1 et 2. Or, les émissions de scope 3 représentent plus de 95 % de son empreinte carbone, et l’utilisation de ses produits, environ 74 %. Follow This a déjà conduit un groupe d’actionnaires en 2023 sur une résolution similaire qui a reçu un soutien de 20 % des suffrages. Celle de cette année a intégré quelques changements par rapport à 2023. Par exemple, elle a remplacé « objectif en 2030 » par « objectifs à moyen terme » – une formule moins prescriptive – et a réécrit le justificatif en le centrant uniquement sur la question des émissions.

Comme dans son rapport sur les progrès de la transition énergétique publié l’année dernière, Shell estime que cette requête va à l’encontre des intérêts financiers des actionnaires et ne contribuera pas à atténuer le réchauffement climatique. Pour mettre en œuvre un objectif plus ambitieux sur son scope 3, l’entreprise devrait réduire ses ventes de produits pétroliers et gaziers. En l’absence de changement dans la demande des clients, cela reviendrait à abandonner certains d’entre eux aux concurrents.