Pour beaucoup, la Norvège a une image écologiste : de grands espaces vierges, un fonds souverain – le plus important du monde – qui intègre des critères ESG dans sa politique de gestion de portefeuilles, une population conquise par les véhicules électriques… Pourtant, cette image cache des attitudes gouvernementales qui soulèvent pour le moins des questions : forages pétroliers dans la mer de Barents à l’intérieur du cercle arctique, attribution de permis d’exploitation d’éoliennes illégales sur le territoire des Sámis (le dernier peuple autochtone d’Europe), etc.
Le 9 janvier 2024, le Parlement norvégien a autorisé la possibilité d’accorder des licences d’exploration minière en haute mer sur une superficie de 280 000 km2 à l’intérieur des eaux territoriales du pays. Certes, il ne s’agit que d’observer et d’étudier, mais les défenseurs de l’environnement alertent l’opinion, car à quoi bon étudier si ce n’est pour passer ultérieurement à la phase d’exploitation, et ce, d’autant qu’initialement, la proposition du gouvernement était de commencer l’exploitation au plus vite.
Par ailleurs, cette première autorisation pourrait susciter des vocations ailleurs et fournir des arguments aux partisans d’une exploitation minière dans les eaux internationales. Les discussions pour l’élaboration d’un code minier sont, du reste, en cours au sein de l’Autorité internationale des fonds marins (AIFM). Pour l’heure, un moratoire sur l’exploitation minière des grands fonds marins fait l’objet du soutien de plusieurs pays, dont la France, des associations écologistes, de grandes entreprises et d’une partie de la communauté financière.
Les défenseurs d’un moratoire estiment que l’exploitation minière en haute mer constitue une grande menace pour les écosystèmes fragiles et encore très peu connus des abysses ainsi que pour les habitats de nombreuses espèces, que les sédiments issus des travaux seraient nocifs pour la vie marine, que l’extraction des ressources minières sous-marines est inutile pour répondre aux défis de la transition écologique, contrairement à ce que prétendent les partisans de l’exploitation de ces ressources…
Parallèlement, le 10 janvier 2024, le tribunal de district d’Oslo a donné raison à l’État norvégien d’accorder des permis à la société Nordic Mining pour déverser 170 millions de tonnes de déchets issus de l’exploitation d’une mine de rutiles et de grenats dans le Førdefjorden. Les Amis de la Terre Norvège et Les Jeunes Amis de la Terre Norvège, qui ont porté l’affaire devant les tribunaux, ont été condamnés à payer 1,4 million de couronnes (122 000 euros). Pour les associations, une telle quantité de déchets contaminés par des produits toxiques éradiquera toute vie dans la zone. Ces déchets peuvent aussi se propager dans le reste du fjord. Les ONG décideront d’ici fin janvier si elles interjettent appel.