Plus de 80 % du coton chinois provient du Xinjiang où les groupes de défense des droits humains accusent Pékin d’abus généralisés contre les Ouïgours. On reproche notamment aux autorités du pays d’avoir recours au travail forcé en ce qui concerne cette population. Selon des ONG, 570 000 personnes seraient contraintes de cueillir le coton dans le Xinjiang qui abriterait 380 camps d’internement. Avoir une barbe, porter un voile, faire une demande de passeport, prier, télécharger WhatsApp ou avoir trop d’enfants sont des motifs d’internement.
Deux organisations, le Congrès mondial ouïghour (World Uyghur Congress – WUC) et le Global Legal Action Network (GLAN) ont introduit une action en justice contre le ministre de l’Intérieur britannique ainsi que contre le HMRC (l’autorité en charge de percevoir les impôts directs et indirects au Royaume-Uni) et la National Crime Agency (NCA), la principale agence de lutte contre le crime organisé, le trafic d’êtres humains, d’armes et de drogues, la cybercriminalité et la criminalité économique. Elles accusent ces instances gouvernementales d’avoir enfreint la loi en n’enquêtant pas sur les importations de produits en coton fabriqués par des travailleurs forcés ouïgours. Les parties ont été entendues par la Haute Cour les 25 et 26 octobre 2022.
Les plaignants estiment que la loi de 1897 sur les marchandises confectionnées dans les prisons étrangères et celle de 2002 sur les produits issus du crime (Proceeds of Crime Act – POCA) n’ont pas été respectées. Quatre compagnies chinoises, qui seraient impliquées à très grande échelle dans le travail forcé, sont également citées, et leurs liens avec le Royaume-Uni, détaillés. Les organisations affirment qu’une importante majorité du coton traité dans le Xinjiang, dans les installations appartenant à ces sociétés, est l’œuvre de travailleurs en détention et soumis au travail forcé. En conséquence, si une entreprise britannique s’approvisionne en produits faits de coton auprès de l’une de ces firmes chinoises, il existe un risque élevé que ces derniers aient été fabriqués (en tout ou en partie) en prison et sous la contrainte. S’appuyant sur la POCA, les ONG jugent que ces articles sont des « propriétés criminelles » parce qu’ils ont été obtenus à la suite de travail forcé et de crimes contre l’humanité. Ainsi, toute personne britannique qui les acquiert commet une infraction de blanchiment d’argent.
De leur côté, les accusés reconnaissent que le gouvernement est conscient de l’horreur du traitement réservé par la Chine aux Ouïgours et aux autres minorités du Xinjiang. Mais ils ont indiqué que, pour la NCA, il n’y avait pas suffisamment de preuves qui justifiaient une enquête criminelle. Cette position pourrait cependant changer à la lumière de nouvelles informations. Ils ont ajouté « qu’au mieux, on [pouvait] en déduire de façon convaincante qu’il [existait] une chance pour qu’un crime ait été commis. Mais il [était] impossible d’identifier comment, par qui, quand et où une telle infraction [avait] eu lieu. L’existence d’une probabilité ne [constituait] pas une base pour une enquête pénale ou l’exercice d’un pouvoir coercitif. » Le jugement devrait être rendu dans les prochains mois.