Les donneurs d’ordres peuvent faire pression sur leurs fournisseurs, à condition de faire sérieusement leur travail de prévention

ATA IMS est une société malaisienne cotée à la Bourse de Kuala Lumpur. Le groupe intervient dans la sous-traitance de produits intégrant des composants électroniques (entretien de la maison, purification de l’air, Internet des objets, dispositifs médicaux…). Son chiffre d’affaires pour l’exercice clôturant au 31 mars 2021 s’est établi à 4,2 milliards de ringgits (huit cent quatre-vingts millions d’euros). La crise sanitaire a stimulé ses ventes, de même que le cours de son action. Début 2020, celui-ci s’établissait à 1,76 ringgit ; il a atteint 3,77 ringgits le 2 avril 2021 avant de revenir à 2,57 ringgits le 12 novembre.

À partir de cette date, les analystes financiers ont cependant commencé à s’inquiéter. Leurs principales préoccupations venaient de l’enregistrement d’une perte au troisième trimestre de l’année civile et, surtout, d’une probable baisse du carnet de commandes à la suite de problèmes de pénurie de main-d’œuvre – en particulier étrangère et bon marché – rencontrés par l’entreprise. Conséquence, le cours de l’action s’est effondré pour atteindre 1,17 ringgit le 24 novembre. Plusieurs analystes financiers ont cependant conservé leur confiance dans l’avenir du cours, estimant que, pour l’essentiel, la baisse constatée avait intégré la réalité.

Mais, le 25 novembre, l’agence Reuters a révélé que le fabricant d’appareils électroménagers de haute technologie Dyson lui avait déclaré avoir rompu ses liens avec ATA IMS, lui accordant simplement un préavis contractuel de six mois. Dyson représente 80 % du chiffre d’affaires d’ATA. Cette décision fait suite aux allégations d’un lanceur d’alerte en septembre et à un audit sur les conditions de travail dans l’entreprise dont les résultats ont été soumis à Dyson début octobre. Cette nouvelle s’est immédiatement accompagnée d’un nouvel effondrement du cours de l’action, qui a atteint 0,52 ringgit le 26 novembre.

De toute évidence, la chute du cours résulte principalement de la perte de marchés par ATA. Mais cette dernière découle, en grande partie, de la structure de la main-d’œuvre du groupe et des soupçons qui pèsent sur lui quant aux conditions de travail dans ses lignes de production. La situation actuelle aurait pu être anticipée par une analyse minutieuse des pratiques du groupe du fait de la grande proportion de travailleurs migrants dans ses effectifs.

Plus tôt dans l’année, Dyson avait rejeté des accusations d’horaires de travail excessifs et de conditions de vie exiguës pour les salariés d’ATA. Le groupe britannique s’était alors fié à plusieurs audits antérieurs selon lesquels aucun problème n’avait été détecté dans sa chaîne d’approvisionnement. Pourtant, ATA faisait déjà l’objet d’une enquête menée par les États-Unis pour des accusations de travail forcé. Les défenseurs des droits humains dénoncent le manque de sérieux avec lequel sont réalisés de nombreux audits sociaux, qui consistent souvent en un simple exercice de cases à cocher. Dyson a indiqué que, cette fois, il s’agissait d’un audit « complet » au cours duquel plus de deux mille membres du personnel d’ATA ont été interrogés (sur les quelque huit mille que compte le groupe).